« Kyoto ; Matin du 15 juillet 2012 »

Encore un, encore une fois, toujours la même histoire, toujours les mêmes questions. A croire que la vie est un éternel recommencement ; un endroit où l’on tourne en rond, comme pris au piège d’un labyrinthe. Alors, en arrivant sur les lieux, Odagiri Shunpei n’avait pas mis bien longtemps à trouver certaines réponses ; ça se déroulait toujours de manière identique.

Cette fois-ci, le corps sans vie avait été retrouvé près d’un entrepôt désaffecté en bordure de la ville. Il n’avait aucun papier d’identité, comme toujours, et une fine chaine en argent cadenassée pendait à son cou. Dans la poche intérieure de son manteau, une note. Bout de parchemin délavé sur lequel étaient tracés quelques mots : « Midnight Wonderland, vous avez perdu. » et au dos du même papier, le nom et l’adresse de la victime. C’était toujours comme ça, tout le temps, jamais d’autres preuves que ces bouts de papiers glissés dans l’une des poches de la victime et, comme toujours, le Capitaine de Police savait qu’ils ne trouveraient rien d’autre de pertinent.

Ce mot, ce simple mot. Un mot qui hantait les couloirs des postes de police depuis près de trois ans. Un mot qui commençait à terrifier la population, une légende urbaine comme on en voyait plus. Un mot, juste un mot : Midnight Wonderland. C’était le seul lien. Les victimes étaient toutes différentes, venaient d’horizons différents, étaient jeunes ou vieux, hommes ou femmes, et tout comme elles étaient différentes, les causes de leurs morts l’étaient toutes autant. C’était à s’en arracher les cheveux. Jamais d’autres preuves. Et Odagiri Shunpei savait déjà ce que l’on trouverait dans le logement de la victime : rien. Entièrement vidé comme si jamais il n’avait été habité, comme si jamais cette personne n’avait vécu. Ne resterait qu’une petite table en bois blanc sur laquelle reposeraient les effets personnels. Pas d’empreintes, pas d’effraction, porte fermée à clé, logement évidé. C’était toujours comme ça et personne ne trouvait le fin mot de cette histoire.

Ho, on en faisait circuler des rumeurs. Des rumeurs de jeux morbides visant à refondre l’univers tel qu’on voulait le voir. On supposait que les auteurs étaient plusieurs, qu’ils agissaient de concert, prenaient les décisions ensembles, exécutaient à tour de rôle, mais jamais rien de plus. Les noms et les visages étaient inconnus, les pistes froides quand on les découvrait. C’était régulier, ça allait parfois par vagues, d’autres mois il n’y avait rien. Pas de mort, pas de mots, jamais de témoins. Personne ne voulait parler. A croire qu’il s’agissait de fantômes… Oui, des fantômes ; des fantômes tirés d’un conte…

« Suivez donc le Lapin Blanc »

Ca va maintenant faire trois ans. Trois ans qu’a l’ombre de sa tour d’ivoire, son château aux reflets rougeoyant, Murasaki Hisae a mit en place le jeu le plus mortel de toute l’histoire de la ville. Un conte sanglant basé sur le thème d’Alice In Wonderland, un thème dans lequel elle serait la Reine, femme toute puissante dont les désirs sont des ordres.

Ce jeu porte un nom ; un nom tristement célèbre : "Midnight Wonderland"

Et tout au long de sa création, la Reine a su s’entourer, réfléchissant à l’ombre des rideaux masquant l’entrée de son cabaret. Et l’échiquier se met en place...

Ils feront trembler tout Kyoto avec ce jeu. Inquiéterons citoyens et forces de police sans que jamais ils ne mettent la main dessus. Seuls eux savent, eux qui sont a son service ; les organisateurs du jeu. Parmi les joueurs, beaucoup y laisseront la vie, beaucoup ne rentrerons jamais chez eux simplement parce qu’ils en ont décidés ainsi, qu’ils ne souhaitent pas les voir repartir, qu’ils ont voulus se hisser trop haut, trop fort, trop bêtement.

ils sont implacables et peu nombreux seront les rescapés … Trop peu face au nombre de participants …