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 Memento mori [Terminé]

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MessageSujet: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Lun 23 Juil - 22:01


« Le diable est la nuit de Dieu. Qu'est-ce que la nuit ? La preuve du jour. »
Victor Hugo
(07.11.2011 - 21h)

Certains se cachaient dès le crépuscule, illuminaient la ville et leurs habitations pour repousser les ténèbres et nier la nuit – la nuit pleine de cauchemars pas si irréels que ça. Ils allumaient la télé, la radio, fermaient les fenêtres dans un semblant de protection. Orléans n'était pas de ceux-là. Il était porteur de Foi, d'une lumière intérieure capable de repousser ces ténèbres et la peur allant avec. La nuit ne l'effrayait pas, pas plus que ses habitants. Il était de ceux qui chassaient, quand tombait l'obscurité.

Enfin, de façon générale. En cet instant précis, il était surtout occupé à batailler avec l'orgue. Le vieux prêtre qu'il remplaçait n'en avait pas pris un soin fou, pour être honnête, sans doute parce qu'il était absolument incapable d'en jouer et que l'intérêt de l'entretenir avait dû paraître limité. Un peu pointilleux, son remplaçant blond avait voulu vérifier que tout fonctionnait – que l'église vibrait bien sous les notes tirées à l'instrument, se glissant entre les saints dans leurs alcôves et chantant pour les vitraux colorés, que la mélodie ne serait interrompue par aucun couac disgracieux. Doigts et pieds dansèrent pour l'instrument qui s'éveillait lentement, valsèrent sur le clavier, encore et encore...

Silence dans l'église. Sa propre respiration lui parut presque assourdissante au beau milieu du calme dont il savait qu'il volerait en éclat dès qu'il ouvrirait la porte, retournant aux bruits de moteurs et de passage des rues, fracassé par les sonneries des téléphones portables, par les bruits de pas et l'activité. Presque à regrets, l'occidental lissa machinalement son pantalon sombre en se relevant, puis récupéra sa veste, le poids du holster dissimulé à l'intérieur lui assurant que son arme était là, prête à être utilisée, si besoin était. Alors qu'il pivotait d'un mouvement fluide, la croix d'argent à son cou lança un éclat farouche à la lumière des quelques cierges allumés qui faisaient danser des ombres folles sur les murs et créaient des éclats colorés dans les vitraux. Le symbole de métal, si important et pourtant si facile à oublier, regagna cependant vite les plis de sa chemise noire, alors que son porteur parcourait de son regard couleur de ciel de pluie les environs, une once de contrariété passant au fond de ses iris lorsqu'il réalisa enfin.

Il y avait quelqu'un. Il y avait quelqu'un dans sa petite bulle de pierre, de verre et d'odeurs de cire, entre les colonnes de son église. Et ce quelqu'un, avec sa peau de porcelaine et le noir de sa chevelure et de son regard, était rentré sans qu'il ne l'entende, ou qu'il ne perçoive un quelconque signe de sa présence, comme un pan de silence et de nuit logé entre les éclats des vitraux depuis il ne savait combien de temps. Autant dire que l'idée ne lui plaisait pas plus que cela.

Pourtant, ce fut avec une grâce sereine qu'il se rapprocha, un sourire aimable au visage, arborant une expression de curiosité polie pour dissimuler toute l'attention qu'il portait aux détails – parce que les détails pouvaient sauver des vies : traîtres, ils glissaient des indices dans un geste trop rapide, dans une respiration trop lente ou même dans les reflets rubis d'un regard. Et n'oublions pas qu'il fallait qu'il fasse attention à sa propre attitude, qu'il conserve sa façade de prêtre sage et discret, ne faisant pas de vagues, humain parmi tant d'autres aveugle aux pires dangers courant dans les rues à la nuit tombée. D'un mouvement presque innocent, le chasseur inclina la tête, la croix délogée de son creux de tissu venant osciller à portée d'yeux.

«Excusez-moi, l'église est fermée... Il me semblait avoir mis le panonceau l'indiquant, mais il est tout à fait possible que j'aie oublié. Puis-je vous aider, cela dit, si c'est important ?»

Les mots vinrent dans un japonnais tout à fait fluide, calme, encore que peut-être teinté d'une pointe d'un accent indéfinissable, alors que le jeune homme haussait un sourcil interrogatif, son sourire toujours aux lèvres. Si c'était important, après tout, il pouvait prendre quelques instants sur sa traque pour aider son prochain. Ledit prochain éveillait d'ailleurs un vague écho dans sa mémoire, sans qu'Orléans ne parvienne à mettre le doigt dessus. Sportif ? Il semblait avoir la carrure pour... mais il y avait ce quelque chose en plus, comme une sorte de charisme sévère, ou ce petit quelque chose indiquant un homme ayant l'habitude d'être obéi. Militaire, peut-être, alors ?



Dernière édition par Duroy Orléans le Mar 7 Aoû - 13:41, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Mar 24 Juil - 11:04


La nuit enrobait la ville de ses bras frais et ténébreux. Les gens traînaient leur carcasse fatiguée jusqu'aux bouches de métro qui les vomiraient par dizaines aux quatre coins de la ville, pour les laisser rentrer chez eux. Ils s'abandonneraient à la contemplation de leurs écrans de télévisions, s'installeraient à table en famille, toutes ces choses que Shiro dédaignait, et dédaignerait toujours. La nuit, pour lui, avait une toute autre signification. Elle n'était ni le berceau d'un sommeil apaisé, ni le territoire de toute les folies d'un jour. La nuit était pour lui un éternel renouveau. Un terrain de chasse qui étancherait sa soif l'espace de quelques jours, avant qu'à nouveau, sa condition ne le ramène à la terrible vérité qui faisait de lui une bête sanguinaire. Tôkyô ne dormait jamais. Elle l'était l'insatiable ville de lumière que ponctuaient les brouhahas des gens, de la musique, des véhicule et le silence s'effaçait alors pour laisser place à ce tintamarre permanent. Shiro avait connu cette époque où la nuit s'imposait sur tout le pays, plus sombre et épaisse qu'aujourd'hui, et étouffait alors les paroles, les cris et les hurlements. Il l'avait souvent regretté dans son attachement à la tradition, mais avait forcément dû s'habituer à ce nouveau monde, éternellement bruyant. Pourtant, il le savait, en s'éloignant assez de la ville, le bruit se ferait moindre, même si il continuerait de voir cette aura lumineuse de pollution. Cependant, il se permettait rarement de s'éloigner autant, et il connaissait les lieux les plus calmes de Tôkyô. Perdue au milieu des habitations et des méandres des rues, une église; lieu de culte dont Shiro n'avait jamais respecté le dieu. Les forces invisibles, il n'y croyait pas, la religion, il n'y croyait pas, il ne croyait rien de tout cela. L'église, cependant, aux heures où il pouvait poser un pied dehors sans craindre le moindre rayon de soleil, était déserte et empreinte d'un silence pesant.

Lorsqu'il pénétra dans l'église, il ne poussa pas la lourde porte de bois le menant au narthex, mais emprunta discrètement une entrée secondaire près d'une des chapelles. Froid. Silencieux. Religieux. La pierre était dure, sous ses pas, mais il parvint cependant à marcher sans bruit, se frayant un chemin parmi les travées. Les icônes et les figures des vitraux le contemplaient sévèrement. Un vampire dans une église, quelle engeance. L'orgue chantait sur son passage; quelqu'un jouait. Quelqu'un que Shiro identifia sur le champ comme étant un humain, son flair ne le trompait pas. Il se détourna du spectacle, et continua sa visite de l'église sous la lumière vacillante des vierges laissés par les fidèles à un quelconque dieu qui peut-être leur viendrait en aide si ça lui chantait. Non, décidément, il n'y croyait pas... Soudain, l'orgue cessa ses notes bénies, et le silence retomba sur l'église comme une pierre dans l'eau. Plus qu'un seul bruit, la respiration de l'humain – la sienne n'était plus depuis déjà bien longtemps. En tendant l'oreille, Shiro devinait le vacarme de la ville que les épais murs de pierre étouffaient avec peine. Son ouïe vampirique ne semblait pas avoir de limites. Il ferma les yeux; les rouvrit. Il était invisible. Une ombre parmi les ombres que seule la lumière des bougies trahit, éclairant son teint pâle, tel un fantôme errant les lieux. Le prêtre l'avait vu. Il venait vers lui. Shiro ne bougea pas, l'attendant, avant de feindre une respiration, inspirant et expirant, mimant ce réflexe des plus humains. Pour l'homme qui se plantait devant lui, il ne serait qu'un fidèle au cœur qui bat.

« Mon père, j'aimerais me confesser. », Répondit-il sans se défaire de cette sévérité qui le caractérisait. « Tout de suite. »

Certains religieux venaient à s'imposer des restrictions, une manière de vivre particulière, une hygiène d'être différente. Nulle surprise, alors, que de se dire que leur sang avait un goût tout à fait différent. Chaque vin avait son caractère, pour les humains et leur sang, c'était la même chose; et cruelle destinée que celle du prêtre qui ignorait tout des intentions de Shiro : goûter à des saveurs nouvelles, qu'il s'autorisait rarement. Le regard ténébreux du brun examina avec attention sa future proie. Il était jeune, un étranger. Autour de son cou pendait une croix qu'il craignait peu, c'était stupide que d'imaginer qu'un crucifix viendrait à bout d'un vampire aussi vieux que lui. Shiro venait rarement dans les églises ou autres lieux de culte, aussi était-ce peut-être normal de trouver que ce prêtre n'était pas comme les autres – il n'en avait pas vu beaucoup d'autres. Pourtant, quelque chose le gênait chez ce jeune homme au visage bienveillant. Peut-être était-ce sa démarche, trop féline et trop posée pour un humain lambda ? Peut-être était-ce également toute cette innocence, cette piété qui dérangeait le vampire athée ? Ou peut-être était-ce son instinct qui le prévenait quelque chose n'allait pas... Il n'en fit rien. Il joua son rôle d'humain avec panache et adresse, feignant une légère toux, un frissonnement, comme si le froid de la pierre parvenait réellement à venir à bout de son corps mort.

« Dieu accepte d'écouter ses enfants à n'importe quelle heure du jour ou même de la nuit, n'est-ce pas ? »

Il doutait qu'on le jette dehors; un homme de foi n'en aurait pas le cœur. Pour en être certain, il s'appliqua à faire passer un semblant de détresse dans sa voix, comme si il devait absolument confesser pour enfin apaiser son esprit que le chaos dévastait. Sous cette attitude aussi fausse qu'elle paraissait sincère se cachait pourtant un cœur de pierre, une bête sauvage, un monstre sans pitié. Mais ça, le prêtre ne pourrait pas le deviner. Il fallait déjà qu'il soit au courant de l'existence des vampire, ce qui n'était pas le cas de la plupart des humains, et en plus de ça, il fallait qu'il s'assure que Shiro jouait réellement la comédie. Le vampire jouait à ce jeu depuis des siècles, il savait parfaitement comment jouer l'humain, et la plupart du temps, on y croyait. C'était ce qui l'amusait; ce moment précis entre le doute et la vérité, où son interlocuteur ne savait plus distinguer le vrai du faux.

« Acceptez-vous de m'écouter ? »

Vampire, créature damnée... Shiro ne craignait la colère d'aucun dieu, et il n'aurait donc aucun scrupule à voler la vie de ce brave homme.


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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Mer 25 Juil - 9:11


Le regard de pluie nota machinalement la respiration, indice insufisant mais qu'il vérifiait toujours. Les plus jeunes de ses proies respiraient par réflexes, les plus vieilles par ruse, voire juste pour profiter d'un odorat redoutable leur permettant d'analyser le moindre indice, de repérer une odeur de poudre sous les parfums de savon ou tout autre détail échappant aux sens humains. Certains, il est vrai, oubliaient ou ne se donnaient pas cette peine. La croix non plus n'avait déclenché aucune réaction. Retour à la case départ, donc, à la case des doutes – doutes qui vacillèrent à la demande de confession. De tous les sacrements, celui-ci était le plus important, à ses yeux, parce qu'il était un nouveau départ, une chance d'absolution et de salut, pour peu que l'on vienne en toute bonne foi, que l'on souhaite en toute sincérité marcher à nouveau dans la lumière divine et recevoir Son pardon. Quelque part, il avait déjà cédé à cette demande à l'instant même où elle était prononcée.

Qui plus est, il y avait de l'urgence et de la détresse, dans cette voix, contrastant avec la sévérité de son vis-à-vis, peut-être même soulignée par cette austérité. Il ne pouvait décemment pas abandonner quelqu'un ainsi, seul face à ses tourments intérieurs. Il était prêtre, après tout, et pas uniquement en façade mais par vocation, parce qu'il avait promis devant Dieu d'aider ceux qui croiseraient sa route, de faire tout ce qui était en son pouvoir pour autrui. Presque sans qu'il en ait conscience, son expression se nuança de plus de douceur, sa voix se para d'intonations rassurantes alors qu'il répondait à la question presque rhétorique tant la réponse était évidente. Mais s'il était nécessaire de mettre des mots sur cette évidence, pour conjurer la peur et le doute, ainsi soit-il...

"Oui, à toute heure. Je vous écouterai, mon fils."

Bien sûr que Dieu écoutait ses enfants à toute heure, même - ou plus exactement surtout - dans les heures les plus sombres et les plus difficiles, aux moments où l'être humain avait besoin de soutien pour se réaliser. Il n'abandonnait pas Ses fils ainsi. Et, comme pour le prouver, cet inconnu en détresse, était venu frapper à la porte cette nuit-là en particulier, à une heure où le prêtre cédait habituellement sa place au chasseur et où les lieux étaient fermés, silencieux et sereins, habités seulement par la lumière du Seigneur. Mais il y avait eu l'orgue, l'orgue qui l'avait peut-être justement attiré ici où Orléans pourrait l'aider, comme si tout avait été orchestré parfaitement, du calme des lieux, favorable à une demande de confession, jusqu'à cette impulsion qui avait saisi le blond et l'avait poussé à retarder un peu sa chasse, assez pour découvrir cette silhouette pâle entre deux reflets allumés sur la pierre par les cierges.

"Je vous en prie..."

La phrase, presque soufflée, se termina sur un léger mouvement de bras, incitation calme et, aux yeux du jeune homme, moins brusque que les mots, à se diriger vers le confessionnal. Le geste aurait presque pu être galant, esquisse d'un mouvement signifiant qu'il prenait sous son aile le fidèle, qu'il était là pour l'escorter sans le presser, fut-ce jusqu'aux niches de pierre et de bois ou sur le chemin du récit de ce qui le ravageait, sans pour autant l'empêcher de rebrousser chemin s'il se ravisait. Son paroissien n'avait rien à craindre, pas en sa présence, pas sous le regard des saints de pierre polie et de verre coloré.

Puis, avouons-le, il y avait aussi une part de réflexes venus de son autre facette, de la part de lui qui avait conscience du holster contre ses côtes, de l'attention qu'exigeait l'arme et la vocation allant avec, qui préférait être un peu en retrait derrière l'homme que le précéder en lui tournant le dos, même après avoir remarqué la toux et un léger frisson, si humains, si naturels pour une nuit fraiche, si humains, indices d'une fragilité que les morts ne ressentaient plus. Doucement, sa prudence décrut sans tout à fait s'éteindre, alors qu'il vérifiait d'un geste devenu machinal qu'aucune autre présence n'avait été oubliée entre les colonnes de l'église avant de suivre son vis-à-vis.

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Jeu 26 Juil - 9:22


Mon fils. Étrange, d'être nommé ainsi – Shiro était tellement plus vieux, en réalité. D'ailleurs, la seule personne au monde qui aurait pu l'appeler comme ça – sa mère – était morte depuis bien longtemps. Quand il y repensait, il se souvenait de ce lien fort, incroyable, qu'ils avaient eu. Puis le prêtre le ramena à la réalité en l'invitant à se diriger vers le confessionnal. Le piège se refermait peu à peu. Quand il vit sur le visage de l'humain toute cette douceur et le doute presque s'effacer, il en fut presque bouleversé. Quelle naïveté. Dire qu'il en riait intérieurement, il méritait bel et bien son nom de créature du diable... Inclinant légèrement le menton, il passa près du blond, s'efforçant de marcher « comme un humain » - de manière un peu plus maladroite et plus bruyante qu'il n'en avait l'habitude. Il prit place dans le petit habitacle de bois et attendit que l'humain fasse de même. L'ambiance était particulière, dans ce lieu si silencieux et si désert. Il faisait sombre, mais le prêtre ne se doutait même pas que Shiro voyait comme en plein jour. Comment s'en serait-il douté, alors que le Conseiller se jouait de lui ? En lisant dans toute cette pâleur la froideur de son corps sans vie ? En décelant dans son regard sombre la faim et la sauvagerie qui secouaient son être ? Impossible... Jetant un bref coup d'œil à la grille à sa droite, il entraperçut le jeune prêtre à travers les mailles du rideau de fer. Joignant alors ses mains dans ce qui pouvait ressembler à une parodie de piété feinte, Shiro poussa un long soupir.

« La nuit m'effraie, mon père. Elle me rappelle mon terrible péché... »

Il marqua une pause pour exagérer le côté tragique. C'en était presque ridicule, et pourtant, ses paroles semblaient sincères. Peut-être parce qu'elles l'étaient, dans un certain sens. Cependant, pour le comprendre, il faudrait creuser loin, beaucoup plus loin, et Shiro était une porte blindée contre laquelle on se cognait. Impossible de savoir ce qu'il pensait, ce qu'il ressentait. Fidèle à lui-même.

« Dieu pourra t-il un jour me pardonner...? », Fit-il, l'air de se parler à lui-même.

Quel imbécile, ce Dieu miséricordieux. Shiro ne comprenait pas. Il ne comprenait pas l'intérêt de respecter des préceptes datant d'une éternité, alors qu'il suffisait de vivre comme on l'entendait et de demander à ce dieu de pardonner juste avant de mourir. C'était si simple... Mais peu importe, il se fichait bien que ce dieu auquel il ne croyait pas le pardonne ou non. De toute manière, dans sa seule condition, dans ce cadavre que des forces inconnues lui permettaient de mouvoir comme si il était en vie, il était déjà une créature damnée. Et Shiro était son seul dieu, il n'en avait vu aucun autre se manifester. Même lorsqu'il avait été humain, rien n'avait changé. Si une telle force avait jamais existé, pourquoi ne l'avait-elle pas protégé quand il fut attaqué par un de ses hommes ? Pourquoi ne lui avait-on permis aucun au-delà et condamné à l'ombre et aux ténèbres ? Jusqu'à l'éternité, Shiro n'aurait plus jamais droit au soleil... Certains humains se rendraient fous à s'imaginer ce supplice – l'humain craignait la nuit, c'était inscrit dans ses gènes. Mais Shiro, lui, semblait toujours aussi indifférent à ce sort, presque satisfait. De ce désavantage terrible découlaient des avantages non négligeables qui lui avaient permis de s'élever sur les marches du pouvoir encore plus haut et plus rapidement qu'aucun humain n'aurait pu le faire. Alors dans cette soif que rien n'étanchait, il se satisfaisait d'être réduit à jamais à ce monde sans lumière.

« Voyez-vous, mon père... » Et alors que son regard coulait lentement sur la grille, peut-être le prêtre put-il apercevoir juste un tout petit instant l'éclat des crocs du vampire. « J'ai tué. »

Et tandis qu'il prononçait ces terribles mots, sa main fila comme le vent et traversa la fine paroi qui le séparait du prêtre, arrachant la grille, permettant à l'humain de contempler l'humanité qui s'évanouissait sur le visage de Shiro. Son sourire dévoila deux crocs scintillants, une lueur malsaine brillant au fond de son regard profond comme les limbes. L'humain qu'il avait joué venait de disparaître en quelques instants, la comédie avait assez duré. Shiro s'amusa un instant de l'effet de surprise avant de se souvenir de la raison pour laquelle il était là; la chasse.

« Et je tuerai encore, ce soir. »

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Jeu 26 Juil - 13:11


Les quelques cierges allumés firent danser quelques reflets flamboyants sur la chevelure d'or sombre du jeune homme, avant qu'il ne se glisse dans le confessional. L'odeur de bois lui parvint au nez alors que ses yeux luttaient pour s'adapter à la faible luminosité. Pas qu'il en ait réellement besoin, d'ailleurs... Malgré son arrivée récente, il connaissait les lieux, et si tous les confessionaux avaient une touche unique, ils étaient également tous issus d'un même modèle. Il s'installa dans un léger froissement de tissu, releva son regard gris pâle vers son vis à vis, dont la peau pâle tranchait avec la pénombre des alentours.

Déjà, les mots de l'homme à peine visible derrière le fin grillage s'écoulaient, comme retenus trop longtemps, porteurs d'un aveu de peur, d'un sentiment de culpabilité. La nuit... Il était humain de craindre la nuit, cette même nuit que les hommes tentaient de conjurer en illuminant les rues et les maisons, en se regroupant. La nuit avait de tous temps été le berceau des peurs et des dangers, le moment où les doutes surgissaient, vous rongeaient si vous les laissiez parvenir jusqu'à vous. C'était son rôle en tant que prêtre et en tant que chasseur que de se dresser en bouclier contre doutes et cauchemars faits chair.

"Dieu pardonne à ceux qui viennent à lui en toute sincérité, mon fils, et il n'est nulles ténèbres que Sa lumière ne sache percer, nulle faute qu'un repentir ne puisse racheter."

Sa voix vibrait de foi, d'amour et, peut-être, d'un zeste un peu plus farouche – parce que lui savait que la foi sauvait, même en ce bas monde, que la croix pouvait repousser certains dangers nocturnes et que la lumière divine, en toute situation, était un soutien et un réconfort, même dans les situations les plus désespérées. S'il y avait bel et bien un aspect vengeur et terrible chez son Dieu, il était également le Père soucieux de ses enfants. Outil docile de Ses desseins et vecteur de pardon, Orléans se concentra sur le fidèle, un sourire d'encouragement que l'autre ne pouvait peut-être qu'à peine deviner passant sur ses lèvres alors qu'il faisait une pause...

L'aveu de mort vint en même temps qu'un éclat de crocs, vite balayé par le bruit de la grille de séparation cédant. Le craquement et le geste éveillèrent les réflexes du chasseur instantanément, lui sauvant sans doute la vie, alors que dans le regard sombre en face de lui, la piété et le repentir cédaient place à quelque chose de plus vicieux, à une forme de faim relevée du jeu de la chasse peut-être. Et bien ils étaient deux à être chasseurs, ici, deux à pouvoir jouer à ce jeu mortel. Le jeune homme bondit en arrière, arrêté par la paroi du confessionnal alors que sa main se portait à son arme, la détermination remplaçant la surprise dans son regard couleur de ciel pluvieux. De toute évidence, il lui faudrait libérer celui-ci de ses péchés d'une toute autre façon, administrer une absolution bien plus radicale. Avec la vivacité que lui conférait tout son entrainement, il jaillit hors de l'habitacle de bois qui pouvait si facilement se transformer en piège mortel, faisant toujours face aux parois sculptées sous peine d'être rattrapé par un être bien plus rapide que lui, par un être décidé à tuer, un cliquetis signalant que le cran de sécurité du revolver venait de sauter, la crosse de l'arme confortablement logée au creux de ses mains, ses doigts s'enroulant autour du métal frais.

"Pas si je peux empêcher cela..."

Il y avait quelque chose de tout à fait arrogant, quelque part, dans le fait de venir dans son église ainsi, et de lui annoncer qu'il continuerait à tuer. Quoi que... ç'aurait aussi pu être une forme de jeu cruel, pour le plaisir de voir la peur dans les yeux de sa proie, de sentir son coeur rater un battement. Pas de chance pour lui si c'était le cas, sa cible de la nuit ne s'affola pas.

Reculant, Orléans prit tout juste le temps d'ajuster son tir, frustration s'il en était pour lui et son amour pour le tir de précision, avant d'appuyer sur la détente une, deux fois, puis une troisième, prenant soin de rester à distance autant que faire se pouvait, gardant dans son champ de vision le vampire. Il était rapide, assez intelligent pour mimer parfaitement le comportement d'un être humain, assez âgé pour se contrôler jusqu'au moment opportun pour passer à l'attaque. A ne pas sous-estimer, donc, estima-t-il alors que son regard de pluie cherchait sa cible, attentif au moindre de ses mouvements, au plus petit indice indiquant son mouvement suivant. Dans ses mains, l'arme ne tremblait pas, tenue d'une main ferme et décidée, habituée à son poids - des mains de chasseur, pour traquer un être qui pourchassait les humains.

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Jeu 26 Juil - 23:50


Visiblement, Shiro n’était pas le seul chasseur ici. Il le sut dès qu’il vit avec quelle rapidité l’humain réagit à son attaque. En un instant, il fut hors de portée de ses griffes, en un instant, il quitta le confessionnal, en un instant, il sortit son arme. La première balle siffla près de son oreille. Il évita la seconde en penchant la tête sur le côté. La troisième, cependant, se logea dans sa gorge. Shiro cracha du sang, toussota, la main en coupe devant sa bouche, et la balle retomba dans le creux de sa paume, tâchée du sang sombre du vampire. Dans un sourire mauvais, il laissa le plomb retomber sur le sol de pierre dans un cliquètement qui résonna dans l’antre tout entier. Sa silhouette s’affaissa un instant, comme s’il fut mort, et le silence revint prendre le contrôle du lieu. A ses pieds, sur le mur et sur les pierres, le liquide rougeâtre dégoulinait lentement en laissant dans l’air une vague odeur de fer. Ça sentait le sel, le métal et la poudre. Les sens du Conseiller s’affolaient. Sa guérison quasi instantanée – le trou à sa gorge se refermait déjà – raviva sa soif, et il se redressa d’un coup. Il avait envie de tuer, de voir du sang couler et de le sentir tapisser sa gorge pour étouffer ce feu qui prenait à l’intérieur de ses tripes. Si le prêtre avait pu connaître la soif d’un vampire, sûrement les aurait-il tous pardonnés de leur existence. D’ailleurs… Prêtre, prêtre… Ca semblait ridicule. Il n’en était pas un. Un chasseur ? Décidément, ils se cachaient partout. Dans les restaurants, les rues, et même les églises… La mauvaise graine poussait décidément partout. Sans se défaire de ce sourire inquiétant, Shiro osa s’offrir à la vue de l’humain, ne semblant visiblement craindre aucune balle. Un combat de chasseurs. Restait à voir qui était le bon, et qui était le mauvais – dans l’hypothèse où l’un des deux était bon, ce qui n’était pas sûr.

« Vous osez faire couler du sang dans votre église, mon père… Vous avouerez que ce n’est pas très catholique. »

Il fit quelques pas sur le côté, se pavanant devant le chasseur en exhibant exagérément sa gorge qui ne souffrait plus d’aucun mal. Oui, c’était de la provocation, mais le vampire avait sa fierté, une fierté blessée car sa confiance en lui l’avait aveuglé, et il n’avait pas su déceler cette odeur de poudre que le prêtre exhalait. Il fallait qu’il mérite à nouveau ce rang de prédateur, et ce, en réduisant l’autre chasseur à l’état de proie. Garde-manger ambulant. Il se léchait déjà les babines à l’idée du repas qui l’attendait – avec un peu de chance, il le laisserait en vie pour que Dieu n’ait pas à lui pardonner un nouveau crime. En attendant, les deux hommes se regardaient, se toisaient, se mesurant du regard. Au prochain coup de feu, Shiro réagirait plus vite – il ne se laissait jamais avoir deux fois de la même façon. Il fallait de l’agilité et de l’inventivité pour en venir à bout, et jusque-là, personne n’avait réussi. Shiro pouvait s’en féliciter, mais aussi se souvenir que prudence était mère de sûreté. Quoi qu’il arrive, il faisait en sorte de se mettre le moins possible en danger. Reculant en faisant toujours face à l’humain, il approcha des candélabres dont il éteignit les bougies par un souffle à peine audible – sûrement le geste fut plus un mouvement des bras qu’un souffle du bout des lèvres, mais il fut trop rapide pour qu’on le voie faire. De ce côté de l’église, les ténèbres se firent plus épaisses. Shiro émit un rire, un ricanement d’enfant, et courut éteindre les cierges de l’autre côté des travées, réduisant de plus en plus la luminosité du lieu. Contrairement à ce qu’il avait dit, il se sentait bien dans la nuit. Elle était son seul refuge, son éternel lieu de repos et ses bras glacials lui semblaient rassurants dans les moments les plus terribles de son existence. Shiro ne laissa pas ces sombres pensées détruire son enthousiasme. Effectuant un nouveau sprint, il gagna l’autre bout de l’église en quelques secondes. Un chandelier vola, les bougies roulèrent et s’éteignirent, répandant de la cire fondue sur le sol froid de la maison de dieu.

« Il n’est nulles ténèbres qui sachent m’étouffer, nul humain qui puisse m’arrêter. » Et, parodiant un cantique de David, il continua d’une voix sinistre « Et quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car elle ne m’atteint pas. »

Dans l’église aux voûtes vertigineuses, son rire semblait tout droit sortir des enfers, car il était empli d’une haine et d’une noirceur sans fin. L’âme de Shiro ne trouverait probablement jamais le pardon de quiconque, mais il n’en avait que faire. Il ne trouvait dans sa vie morne et ténébreuse du réconfort qu’en s’amusant un tant soit peu avec ses victimes, un peu comme un chat laissait la souris couiner avant de l’achever d’un coup de crocs. Nulle différence dans le comportement malsain de ce vampire, qui s’amusait de tout ce noir. Car oui, Shiro voulait tout en noir. Noir, noir, noir ! Si son monde était noir, alors le monde entier devait l’être. Ah… Tout ce noir… L’éclat d’un souvenir douloureux brilla au fond de ses prunelles, et Shiro plissa les yeux pour en revenir à ce qu’il s’apprêtait à faire. Tuer. Ou alors… Juste se nourrir.

« Mon père. Laissez-moi juste goûter à votre sang - car il me serait moins aisé de goûter à celui de Christ. Si vous me laissez faire, je quitterai ces lieux sans vous poser le moindre problème. »

Il se demandait bien qui d’entre l’homme d’église, soucieux de l’état du lieu de culte pour accueillir ses fidèles, ou du chasseur, haïssant les vampires, prendra le dessus. Il lui proposait là une alternative tout à fait raisonnable – selon Shiro, en tout cas. Une morsure contre la paix. C’était là une offre à ne pas rater.


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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Ven 27 Juil - 11:55


Un coup au but, deux dans le vide... Ce n'était pas mal. Mais surement pas assez pour tuer le vampire, estima le blond, son regard gris rivé sur l'être qui semblait mort. Enfin, qui l'était, techniquement, mais pas assez pour l'empêcher de se mouvoir et de tuer. Un tintement de balle tombant sur le sol résonna, semblable à un glas, puis le silence fut à nouveau dans l'église... Orléans pouvait entendre sa respiration un peu plus rapide qu'à l'ordinaire du fait de l'effort soudain, de l'adrénaline – pas de la peur. Il était en pleine possession de ses moyens, armé, sur un terrain qu'il connaissait, et prévenu de la dangerosité de sa cible. Il pouvait lutter.

Ladite cible se remit d'ailleurs en mouvement, avec une forme de grâce féline, provocatrice, exposant sa gorge à nouveau intacte. La balle aurait pu ne jamais le toucher, s'il n'y avait eu ici et là quelques traces carmins. Ironie du sort, c'était le vampire qui aurait pu donner l'impression d'avoir été agressé par l'un de ses pairs, si ce n'est que la marque de crocs, celle-là même qu'il aurait voulu appliquer dans la gorge du jeune homme, demeurait absente, la peau pâle s'étant reformée, comme pour nier qu'il y avait jamais eu une blessure.

"J'aurais préféré éviter, mais vous osez venir chasser dans une église, dans un lieu d'asile, où vous lancez vos velléités de meurtre comme un défi à la face de Dieu."

Il avait déjà vu des vampires qui semblaient se tailler un habit de provocation et parader avec, mais venir sous un masque de tromperies jusqu'au confessionnal pour l'attaquer, c'était une première. Pas que la démarche soit illogique, non, loin de là. Elle avait même été à un cheveu de réussir : il aurait suffit qu'il ait détourné le regard avant cet éclat de crocs, et les griffes du prédateur se seraient refermées sur lui. Conscient du risque, le blond restait donc à distance, attendant le moment opportun pour tirer. Tenter de toucher un vampire apparemment vieux alors qu'il vous voyait viser n'avait absolument aucune chance de toucher, mais il suffisait qu'il se détourne un instant... Les premiers cierges furent soufflés sans que le chasseur ne perçoive même le mouvement, et il fronça les sourcils. Il n'avait pas peur des ténèbres, mais ne pas se rendre compte du fait qu'il serait nettement désavantagé s'il ne voyait pas sa cible aurait été pire qu'idiot. Or, l'expérience tendait à démontrer que les idiots ne survivaient pas longtemps.

Un coup tiré, il fallait l'avouer, au jugé, accueillit le sprint du prédateur qui riait, comme pour se moquer de la faiblesse de ses sens d'humains, et Orléans, gardant un oeil sur ce qu'il apercevait de lui, entreprit de se diriger vers l'une des portes discrètes sur le côté de l'église, où il pourrait regagner les lumières de la ville, alors qu'un chandelier roulait comme pour clamer son mécontentement, alors que la pénombre prenait possession des lieux. Bien sûr, il restait les lueurs des réverbères de la rue, filtrées par les vitraux, mais le regard de l'humain peina à s'adapter alors que le vampire déformait un cantique comme pour tourner en dérision l'essence même de ces lieux. Et cette assertion que nul humain ne saurait l'arrêter, que la mort ne pouvait le toucher...

"Simple question de temps..."

Il finirait par y avoir un chasseur plus rusé, plus doué, peut-être juste plus chanceux, pour le renvoyer à la tombe d'où il n'aurait en premier lieu pas dû sortir. Peut-être cette nuit-même, peut-être dans plusieurs siècles, mais la mort rattrapait tous les êtres, sans exception. Le talon du jeune homme butta contre une paroi, bloquant son avancée. Du bois. Il lui suffisait que l'une des mains occupées à stabiliser son arme trouve la poignée, et il pourrait retrouver un terrain plus favorable, plus lumineux, mais également moins connu, étant donné qu'il avait encore du mal à se repérer parfaitement dans les rues de Tôkyô. La proposition du prédateur interrompit ses hésitations un instant.

"Si je récapitule, vous venez ici me traquer, m'annoncer que vous tuerez ce soir pour ensuite me demander de vous faire assez confiance pour vous abandonner ma gorge. Aussi étrange que cela paraisse, l'idée me parait digne d'un pacte faustien. Navré..."

On l'avait mis en garde contre la morsure, mortelle et potentiellement addictive pour ceux qui y survivaient. Avec un prédateur aussi expérimenté que celui-là, il serait mort avant même de l'avoir réalisé, ou transformé en calice, ce qui était presque pire. Qui plus est, ce n'était pas pour sa vie, qu'il luttait, mais bien pour protéger l'humanité. Orléans était depuis longtemps parvenu à une conclusion, à savoir que s'il pouvait pardonner à ces êtres perdus leur soif, qui était dans leur nature, la seule façon de les aider sans porter préjudice aux êtres humains était de mettre un terme à cette existence de ténèbres. D'un coup de pied, il ouvrit la porte sur une petite rue heureusement déserte, profitant du brusque afflux de lumière pour viser et tirer tout, prêt à éviter toute attaque. Dans un coin de son esprit, le décompte des munitions qui lui restaient s'égrena doucement, l'intervalle de temps avant qu'il ne doive recharger diminuant dangereusement à chaque tir.

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Ven 27 Juil - 21:41


Le temps ? Le temps n’aurait jamais raison de lui. En six cents ans, il n’avait eu aucune emprise sur le vampire qu’il était. Même visage. Pas de rides, pas de cheveux blancs. Rien du tout. Le temps n’avait plus aucun pouvoir. Il avait vu mourir et vieillir des humains qu’il avait fréquentés. La mort l’avait toujours accompagné où qu’il aille, car, quoi qu’il arrive, elle avait raison des mortels. Et pourtant, jamais la mort ne l’avait emporté… Et ce ne serait pas aujourd’hui que ça arriverait. Shiro n’y comptait pas. Il avait bien trop de fierté, il était bien trop prétentieux pour laisser faire un vulgaire humain. Vaniteux ? Bien sûr qu’il l’était. Le temps avait flatté son ego, et la vieillesse le rendait plus puissant chaque jour. Le temps avait une conséquence sur son être totalement différente des conséquences qu’il avait sur les humains, et cela, Shiro l’avait maintes et maintes fois confirmé. Parfois, il se sentait invincible. D’autres fois, son esprit se fatiguait un peu et de sombres pensées venaient le hanter – mais sa fille était toujours là pour lui changer les idées. Pourtant, quand la mort venait à s’insinuer lentement dans les limbes de son âme, il se sentait misérable, inoffensif, mortel. Il taisait ces réflexions déprimantes et se noyait dans le sang pour attiser le feu de sa haine. Haine de tous ces humains, de tout ce monde, de tout.

Tout à fait. Shiro n’était que ruses et tromperies. Il était fidèle à une chose et une seule ; le Conseil. Il convoitait la place de Sasara et il y avait une grande animosité entre les deux êtres, mais cependant, elle était la seule femme au monde qu’il respectait un minimum, et dont il suivait les ordres presque aveuglément. Alors oui. Il faisait des promesses qu’il ne respectait pas, des accords où il était le seul gagnant… Accord que le prêtre s’empressa de refuser. Ah ? Alors il l’entendait comme ça… Nul espoir de sauver son âme damnée, Shiro semblait n’être plus que la proie de ce chasseur. Ainsi, la mort serait donc la seule solution, la seule libération ? Cruelle destinée que celle des créatures de la nuit. Soudain, bruit sourd, éclat d’une porte qui s’ouvre. La lumière de la ville envahit un instant le morceau d’église où se trouvait la sortie, et bien qu’étant un vampire, Shiro dut s’habituer à ce changement brusque de luminosité – encore plus que l’humain, puisque ses sens aiguisés, parfois, le trahissaient. La balle que le prêtre tira siffla et érafla son bras, laissant un sillon rouge creusant la chair de son biceps. La surprise fut assez importante pour que le chasseur file à l’extérieur sans que Shiro ne puisse l’en empêcher. Ce dernier redressa la tête, reniflant l’air avant de lâcher un petit grondement. A l’extérieur, tout se compliquait pour les deux camps, car ils ne devaient pas se battre à la vue des citoyens ignorant tout du monde de l’ombre. Si c’était déjà un véritable challenge pour l’humain, ça l’était encore plus pour le vampire, car un rien pouvait le trahir et faire de lui un monstre aux yeux de tous. Cependant, le défi ne l’effrayait pas et il suivit le prêtre à l’extérieur.

Les rues étaient sinueuses, plus ou moins larges, mais plus éclairées que l’église. De plus, le terrain était un véritable labyrinthe, ce qui compliquait les choses, et pour le traqueur, et pour le prédateur. Chacun pouvait se cacher de l’autre, même si Shiro avait l’avantage du flair. Il huma l’air. Il était resté assez proche du chasseur pour se souvenir de son odeur. Des agrumes. De la poudre. Du sang. L’odeur de l’adrénaline, du défi que représentait Shiro. Il le savait, car il avait rencontré d’autres chasseurs, et que la traque était excitante pour tout le monde. Pour les vampires, mais aussi pour les humains. Et lorsqu’on se mesurait à un obstacle comme le Conseiller, les risques étaient grands, le jeu était dangereux, mais le résultat probable de la défaite du vampire suffisait à motiver les inconscients qui se lançaient à sa poursuite. Shiro en avait fait courir, des humains, dans les rues de Tôkyô. Il les connaissait presque par cœur, ayant connu la ville du temps où elle commençait à naître. Il les perdait dans ce dédale de rues et repartait tranquillement dans son antre, loin de la lumière du jour.

« Mon père, vous êtes prêt à mettre la vie d’innocents en danger ? Le monde de l’extérieur est dangereux… »

La première chose qu’il fallait faire, c’était se débarrasser de l’arme de l’humain. Elle n’était pas très dangereuse, mais assez puissante pour le blesser, et à guérir à plusieurs reprises et à intervalles aussi réduits, Shiro se fatiguait. Sa soif grandissait et il devenait plus fébrile, plus dangereux, plus incontrôlable. Dans ces instants, il avait plus de mal à se maîtriser lors de la morsure – en temps normal, il pouvait boire la quantité de sang qu’il désirait à la goutte près. Ainsi, il était capable de se créer un calice quand il le voulait, mais il ne l’avait jamais fait.

« Mes crocs ne vous manqueront pas. »

Il avait trop peur de perdre le goût du sang.


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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Sam 28 Juil - 11:13


Il fallait qu'il cesse de blesser pour tuer. Sans cela, la chasse risquait de tourner à son désavantage ou de faire d'autres victimes, si le vampire devait régénérer en permanence les plaies que lui infligeait le chasseur, d'autant plus que ses blessures semblaient se refermer avec une dangereuse rapidité – dangereuse pour Orléans, qui aurait préféré que les balles ralentissent un minimum sa cible, dangereuse pour tout humain qui passerait à portée de crocs du prédateur, mais pas encore assez dangereuse pour épuiser le vampire. Il fallait qu'il trouve un lieu aussi peu fréquenté que possible, sans laisser a sa cible l'occasion de se détourner de lui. Autant dire que le jeu allait être serré, très serré.

Profitant de son avance, aussi, minime soit-elle, le jeune homme se glissa dans les petites rues qui, si elles étaient moins bien éclairées, avaient l'avantage d'être peu fréquentées. Il était certain d'avoir repéré plus tôt dans la journée un chantier de reconstruction qui devait être désert à cette heure. Les quelques piles de matériaux qui restaient pourraient peut-être même le dissimuler, le temps qu'il ajuste un coup mortel. Il n'avait pas besoin de beaucoup de temps, juste quelques secondes d'immobilité, et c'en serait fini. Encore fallait-il atteindre les lieux sans dégâts, et suivi par sa cible, et ne pas rater son coup, ou il serait bon pour un nouveau round d'esquive et de tirs peu précis, où, ironiquement, chaque balle perçant la peau de porcelaine de sa cible accroitrait le danger et le mécontentement du prédateur. Et à propos de prédateur pas très satisfait...

"Vous abandonneriez si facilement pour changer de proie et pour les dangers du monde extérieur, comme vous le dites si bien ? Après tout ce grandiose jeu d'acteur qui a bien failli me coûter cher et deux blessures ?"

Provoquer les vampires, c'était mal. Provoquer un vieux vampire qui semble avoir une dent – enfin, un croc – contre vous, c'était encore plus mal. Et pas "mal" dans le sens de peu moral ou de mal avisé, non, juste "mal" comme dans "s'il te rattrape ça va être le pire jour de ta vie. Et le dernier, accessoirement". Mais vu les circonstances, s'il était nécessaire, pour qu'il se concentre sur le traqueur et non sur une autre proie, de piquer au vif le prédateur, quitte à subir sa colère... Ainsi soit-il ; il était prêt à prendre ce risque, depuis le jour où il avait choisi de s'engager sur cette voie. Il ne craignait pas les conséquences de son engagement, les blessures et la mort. Elles jonchaient de toute façon la vie humaine, et il lui aurait paru nettement pire de ne rien faire alors que des prédateurs chassaient dans les rues.

Les semelles de l'humain crissèrent sur des gravillons, des gravats, alors qu'il tournait à un angle, suivi par ce qui sonnait comme une menace dans son dos, qu'il ignora. Son terrain de chasse était là, dardant ses fenêtres vides sur la rue comme autant d'yeux. De ce qu'il avait entendu, un incendie s'y était déclaré, sapant les fondations, ce qui expliquait comment cette masse de béton en reconstruction pouvait se trouver ici. En l'occurrence, sa présence arrangeait le traqueur, qui se glissa dans les lieux à pas rapides jusqu'à trouver un pan de mur percé d'une fenêtre d'où il avait vu sur la ruelle par laquelle il était arrivé. Il doutait que les parfums de ciment et de métal suffisent à dissimuler son odeur, mais s'ils pouvaient faire hésiter ou ralentir sa cible juste un instant, de préférence à portée de tir...

D'un geste fluide, il leva son arme, vérifia qu'aucun rayon lunaire ou aucun lampadaire ne faisait danser de reflets traitres dessus, de même que sur la croix à son cou. Puis il patienta, tous sens aux aguets, gardant un oeil sur les malheureusement multiples ouvertures. Il n'avait plus qu'à patienter et espérer que sa cible ne sorte pas de son esprit retors un nouveau tour à lui jouer. Par la force de l'habitude, il ralentit son souffle, pour qu'il ne gêne pas son tir, des psaumes et prières défilant silencieusement dans son esprit, comme un rappel de tuer par devoir, sans haine, et modifia légèrement sa position pour pouvoir ajuster sa ligne de mire ou reculer en cas d'imprévu.

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Lun 30 Juil - 22:32


Il y avait quelque chose d’assez pervers dans la traque, comme si cette montée d’adrénaline qui montait en vous vous apportait la jouissance en un instant. Cet esprit malsain qui s’exprimait plus que nécessaire, cette cruauté qui vous faisait instaurer un jeu entre vous, le chasseur, et la proie. Ainsi, tout chasseur, conscient qu’il traquait pour tuer, était plus mauvais qu’il n’osait se l’avouer. Shiro riait au nez de ces humains qui pensaient éliminer les vampires pour le bien de la nation – la vérité était que l’on tuait pour l’excitation de l’acte, le sentiment de puissance et de pouvoir. Et c’était la toute la différence entre les humains et les vampires. Que faisaient les premiers du tas de cendres qu’ils récoltaient ? Rien du tout. Les vampires, quant à eux, tuaient par nécessité, par besoin de se nourrir, ce qu’ils avaient toujours fait depuis la nuit des temps. Il y avait dans l’un des actes d’ôter la vie une certaine cruauté infondée, tandis que dans l’autre acte, le besoin primal de survivre. Survivre. Et c’était cette évidence cruelle qui ressortait alors ; chacun se battait pour vivre. Pathétique. On aurait presque pu en rire, deux peuples qui jamais ne pourraient trouver un accord, car la vie, pour tous, était précieuse – et qui la donnerait volontiers comme ça ? Personne.

Dans la ruelle s’élevaient les restes d’un immeuble en reconstruction, vestige d’un incendie passé. Des fenêtres s’alignaient sur une bonne longueur, surplombant la ruelle, où Shiro, à vue, était la proie idéale. Il fronça légèrement les sourcils, posa son regard sur les fenêtres, tenta de repérer une silhouette. Les odeurs se mélangeaient à celle de la ville, du béton et de la poussière, et le vampire fut bien vite incapable de déceler celle de l’humain. Il tendit l’oreille. Une respiration, des bruits de pas, un caillou que l’on cogne. N’importe quoi. Il voulait entendre n’importe quoi qui lui permettrait de mettre la main sur le prêtre. Le brouhaha de la ville, cependant, l’empêchait de se concentrer, et très vite, il se rendit compte qu’il perdait clairement son avantage sur sa proie. Le Conseiller compta les balles tirées et tenta de deviner combien il lui en restait. Ce nombre décroissait à son avantage, dès que l’humain rechargerait à nouveau, il l’entendrait, et en sachant sa position, tout serait bien plus facile. … La partie de chasse allait durer un peu plus longtemps que prévu. Il fit quelques pas en arrière et se trouva un angle mort au creux d’une contreforme dans un mur. L’humain pouvait avoir disparu dans les rues, plus loin, ou avoir trouvé refuge dans un autre bâtiment. Cependant, il était quasiment sûr d’avoir entendu le bruit de ses pas dans les gravats, il y avait quatre chances sur cinq que le prêtre soit à l’intérieur de ces fondations-là.

Shiro esquissa un sourire. Il pensait à quelques solutions, la plus évidente étant de se placer à vue pour attendre que l’humain tire. Il fallait malgré tout éviter à tout prix d’être touché au cœur, ce qui causerait sa perte, et les risques étaient élevés. Cependant, en entrant dans le jeu de l’humain, il était sûr de pouvoir agir rapidement en retour… Après avoir entendu la détonation, il lui restait quelques infimes morceaux de seconde pour se décaler, même de quelques millimètres, ce qui pouvait lui sauver la vie. Mais…. Mais en restant en mouvement, le prêtre ne pourrait régler son tir, ce qui réduisait le risque qu’il courait pour sa vie. Shiro leva la tête. La lune n’était pas pleine, ce soir. La ruelle, peu éclairée. Il réfléchit un instant. Il avait ses chances. D’un coup de coude, il brisa un morceau de l’angle du bâtiment auquel il était appuyé et ramassa quelques pierres grosses comme sa paume. Il fit un pas sur le côté, ajusta son tir, pris appui sur ses jambes et lança le projectile à toute vitesse. Le caillou siffla dans les airs et brisa l’ampoule sur premier lampadaire. Le second, placé quelques mètres plus loin, connu le même sort. Et la ruelle, assez étroite et peu longue, perdit une grande partie de sa luminosité.

C’est ce moment-là que choisit Shiro pour se montrer. Il fit quelques grandes enjambées, à l’affût, le visage tourné vers le chantier. A peine arriva-t-il au bout qu’il tourna les talons, commençant ainsi à faire les cents pas. Ainsi, en mouvement dans la pénombre à peine éclairée par la lueur de la nuit, un tir ajusté sur sa poitrine semblait improbable. Sa silhouette restait visible, mais l’humain perdrait forcément de la précision – à moins qu’il ne possède des lunettes à vision infra-rouge, ce qui compliquerait alors les choses, une nouvelle fois. A marcher comme un lion en cage, il avait probablement l’air ridicule, mais en réalité, tous ses sens étaient à l’affût. Il reniflait l’air, cherchait un mouvement, attentif au moindre bruit. Cette fois, il ne laisserait pas sa proie s’échapper. Homme d’église ou non, une proie restait une proie. En plus de ça, ce qui n’était pas prévu, la proie s’avérait être un chasseur, ce qui motivait encore plus Shiro à l’éliminer. Et tout le monde vous le dira, il fallait se méfier d’un vieux vampire aussi acharné… Après six cents ans de vie, la lassitude mettait plus de temps à s’installer, et il était capable de le traquer la nuit toute entière si il le fallait, et la nuit d’après, et celle d’encore après – même si il était persuadé de le tuer bien avant.


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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Mar 31 Juil - 16:44


S'il y avait un argument qu'auraient pu avancer certains sceptiques, c'est bien que pour une création divine, l'être humain était assez mal foutu, quand même, d'autant plus que la lumière divine se contentait de hanter les strates métaphysiques sans jamais faire d'excursion en ce bas-monde. A la décharge d'Orléans, ce type de pensées lui passa largement au-dessus de la tête. Il était concentré sur sa chasse, déployant le peu d'ampleur des sens que son Dieu lui avait donné. C'était tout le danger de chasser les vampires : vous traquiez toujours un être taillé pour la chasse, ayant pisté des dizaines, des centaines de proies – et sans exagération, pour les plus vieux. Et vous le faisiez avec vos capacités de proie. C'était un long apprentissage, pour finir par réussir à anticiper suffisamment pour compenser des réflexes trop lents, une force moindre, des caractéristiques trop humaines, pour devenir une cible suffisamment dangereuse pour un prédateur pareil.

Un frisson courut le long de sa peau alors qu'un sifflement annonçait la mort d'un lampadaire, la flaque de lumière qu'il projetait disparaissant soudainement. Un second, un peu plus loin, ne tarda pas à connaître le même sort, et, malgré les efforts de la lune, ce fut comme si un écrin de pénombre se resserrait doucement sur le jeune homme. Celui-ci détacha un instant son regard de la rue pour jeter un coup d'oeil aux alentours, où les fenêtres vides auraient pu livrer passage à quelqu'un. Puis ses iris gris revinrent à leur position initiale. Il était là, provocation ambulante se jouant des ténèbres, jouant dans les ténèbres dont il avait cerné le prêtre.

Bien sûr, un doute passa dans l'esprit de l'humain. Un vampire capable d'imiter jusqu'au frisson de froid d'un humain et de guérir si rapidement n'utiliserait pas deux fois la même technique. Mais il pouvait aussi juste tenter de l'empêcher de viser correctement pour contourner le bâtiment, et de là, surgir de n'importe où ou presque. S'il y avait anguille sous roche... Et bien cela faisait partie des risques du métier, et tenter d'imaginer ce qu'avait pu trouver cet esprit inhumain aurait été inutile – voire malsain.

C'est d'une main qui ne tremblait pas qu'il ajusta le tir, le souffle régulier – enfin, qu'il l'ajusta autant que faire se pouvait, avec une cible en mouvement, et une arme dont la portée n'était pas celle d'un fusil de précision. Comme toujours en cet instant court comme un battement de cil où la gâchette cédait sous son doigt, il se demanda si c'était ce minuscule cliquetis que percevaient certaines de ses cibles, ou le sifflement de la balle dans l'air. Un humain est mort avant d'entendre la détonation, dit-on. Peut-être le son aide-t-il à réaliser, trop tard, l'inéluctabilité de la mort. Mais un vampire ?

Orléans ne s'attarda pas sur la question et bondit en arrière immédiatement, s'éloignant de la fenêtre d'où il avait tiré avec vivacité. Ironiquement, les lampadaires qui aurait pu faire danser sur sa croix ou dans sa chevelure blonde des reflets traîtres avaient été neutralisés par le prédateur. Restaient l'intégralité des autres indices qui ne manqueraient pas de parsemer son chemin. Un premier se manifesta alors que le déplacement de l'humain vers une pièce plus éclairée faisait crisser gravats et poussière sous ses semelles. Ce furent quelques pas de sprint, à peine, avant qu'il ne pivote en mouvement. Que ses iris couleur de pluie perçoivent une seule ombre pâle dotée de crocs, et il tirerait ses trois balles restantes, quitte à devoir recharger en catastrophe.

Le mouvement allié à la pénombre qui gênait ses perceptions lui valut de heurter l'embrasure du seuil qu'il passait, déviant sa trajectoire, mais le cuir de sa veste amortit le choc. Une armature de ferraille, en revanche, frustrée à l'idée d'être bientôt recouverte de béton, dû se trouver des instincts de prédateur et contourna la protection certes limitée du cuir pour griffer la peau pâle dessous alors que le chasseur battait prudemment en retraite dans un coin sans fenêtres, encore que percé d'une porte à distance raisonnable.

Sur le moment, tous sens aux aguets, il ne réalisa même pas. C'était à peine une écorchure, et il y avait tellement plus de préoccupations : d'où allait surgir le prédateur, les possibles sorties de secours... et le tout en récupérant un nouveau chargeur. Le geste à force de répétition devenait machinal, effectué à la perfection et avec toute la vitesse que pouvait avoir un combattant expérimenté. Bien sûr, ça n'étouffait pas le cliquetis indiquant que son arme serait à nouveau prête et dangereuse, mais vu que le prédateur savait plus ou moins où il était... L'unique perle de sang à son poignet semblait bien dérisoire en comparaison, si ce n'est qu'elle risquait de confirmer ou non la théorie selon laquelle certains prédateurs pouvaient percevoir cette goutte rubis à des distances impressionnantes.

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Mer 1 Aoû - 11:58


Shiro regarda autour de lui ; la nuit était épaisse. Au loin, le vrombissement des moteurs et le brouhaha des gens étaient comme étouffé par la soudaine obscurité des lieux. L’étau se resserrait. Le silence se fit total autour du vampire. Il oublia tout, du grésillement des lignes électriques au grattement des rats dans les canalisations. Puis vient ce cliquettement. Shiro avait été traqué toute sa vie, les armes, il les connaissait. Il savait exactement combien de temps s’écoulait entre le moment où on appuyait sur la gâchette et le moment où la balle touchait sa cible, il savait à quelle vitesse une balle fendait l’air et il connaissait le calibre des armes à feu comme s’il s’agissait de comptines pour enfants. Le pied de Shiro glissa sur l’asphalte alors qu’il exécutait un quart de tour sur lui-même, se recevant intentionnellement la balle dans l’épaule pour rejoindre le bâtiment au pas de course. Il l’avait repéré. Il gagna les lieux aussi vite que l’humain avait changé de position, mais Shiro le retrouva rapidement en écoutant le bruit de ses pas. Un, deux… Neuf mètres plus loin. Pas de velours. Silence qui revient. L’humain se trouva une nouvelle planque, et au moment-même où le vampire sentit une odeur de sang, le claquement de l’arme indiqua que le prêtre rechargeait son arme. Il put alors le localiser plus précisément. A environ deux pièces de lui. Respirant comme un humain ; bruyamment.

A ce moment-là, l’excitation lui dilata les pupilles. Il était proche, tout proche, et il sentait son sang qui l’appelait comme un repas fumant que l’on présenterait à un affamé. L’humain avait dû se blesser… S’érafler la peau, quelque chose comme ça, ce qui suffisait pourtant à diffuser dans les airs un délicieux fumet. Shiro se mordilla la langue et se léchait déjà les babines en s’imaginant le sang couler dans sa gorge, dans quelques instants. Trois blessures, trois guérisons. Il avait soif. Il avait faim. Et son garde-manger se tenait à quelques mètres de lui. Les choses tournaient à son avantage ; le prêtre ne pouvait pas savoir où il se trouvait, et sa vision était altérée par l’obscurité. Le Conseiller pouvait le sentir et l’entendre, malheureusement, les munitions de l’humain n’étaient pas épuisées… Encore quelques blessures et il ne répondrait plus de rien. Il avait déjà soif en allant voir le prêtre, mais les régénérations répétées étaient venues à bout de sa patience ; il se bridait pour ne pas foncer dans le tas. En se sentant aussi proche de sa proie, il bouillonnait de l’intérieur. Ses instincts bestiaux ne lui hurlaient qu’une chose : va mordre. Cependant, Shiro serra les poings. Garder le contrôle. Une chasse se faisait dans la tactique et l’organisation, pas dans la sauvagerie – c’était en tout cas beaucoup moins élégant.

Le Conseiller glissa contre un mur et se mit à réfléchir. Le prêtre ne resterait pas indéfiniment dans sa position actuelle. Il avait bien vu que Shiro avait fait tout cela pour le repérer. Il chercherait bien vite une issue, un changement de plan – il n’allait pas attendre que le vampire vienne le pêcher, là, comme ça. Et cette arme, encore cette arme ! Si Shiro se recevait encore une balle, il en deviendrait fou. Il allait tout casser, et dans sa folie meurtrière, si les risques de se faire toucher au cœur augmentaient, la mort de l’humain était presque quasiment certaine. Un vieux vampire qui perdait le contrôle était la chose la plus dangereuse au monde. Mais Shiro ne voulait pas de ça – perdre le contrôle était une chose qu’il ne supportait pas. C’était facile ; il allait devoir débarrasser le prêtre de son arme. Un petit coup de main, un balayage, un geste du bras… Il avait largement la force de faire voler ce flingue pour rendre l’humain inoffensif, restait juste à l’approcher assez pour un combat rapproché… Dans un affrontement de ce genre, à distance, menacé par une arme, la force du vampire semblait inutile. Sauf si il l’utilisait intelligemment… Ruser et tromper l’ennemi. C’était la clé de la réussite.

« Vous respirez bien fort, mon père. », Clama Shiro à voix haute, montant intentionnellement le ton pour se faire entendre.

Il fit quelques pas en direction de l’humain, rasant les murs, humant l’air. Il lui indiquait sa position, il attendait que l’humain agisse. Il y avait des chances pour que le prêtre tire à nouveau, mais Shiro était assez proche de lui pour profiter du temps de latence entre deux coups de feu. A ce moment, il pourrait se rapprocher assez pour agir et faire tomber l’arme au sol. La bataille devenait alors une simple rigolade… Le Conseiller sourit, ses doigts pâles glissant sur le mur à sa gauche. Il ignorait comment il allait bien pouvoir esquiver un second assaut, quand son regard tomba contre un morceau de tôle abandonné au sol, parmi les gravats et la poussière. Trop fin pour stopper une balle, surtout à cette distance. Il chercha encore une solution. Ne trouva rien. Ce serait donc la bataille de la rapidité. Ramassant un morceau de béton, il le soupesa dans sa paume. Lancé sur l’arme, il pourrait dévier le coup, et en profiter pour bondir sur le prêtre. Après tout, il était un vampire, et l’autre, un humain. Selon Shiro, le gagnant était déjà déclaré. Ce serait lui.


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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Mer 1 Aoû - 20:26


Silence et ténèbres l'entouraient, et, un instant, son souffle se suspendit, comme si cela pouvait lui permettre de percevoir si oui ou non le vampire était mortellement touché. Ce ne fut évidemment pas le cas. Même en ayant confiance dans ses capacités, Orléans doutait de toute façon que sa cible se laisse abattre si facilement, pas après ses ruses et son acharnement. Quand on était assez borné pour s'accrocher à une forme de semi-vie damnée pendant des siècles, pour expulser de sa chair toute balle et pour tuer chaque nuit pour rallonger cette existence nocturne, on ne se laissait pas tuer pour les beaux yeux du premier chasseur venu.

Le prêtre devait toutefois lui accorder un point, celui de la maîtrise. Outre ses jeux d'apparence, garder la tête froide après deux, voire trois coups au but n'était pas mal du tout, peut-être cultivée soigneusement pour éviter d'avoir à dos l'Ordre. Il avait de plus bien joué, utilisant à son avantage pénombre et détonations pour le piéger – parce que l'étau, il fallait l'admettre, se resserrait petit à petit. Doucement, les yeux gris pâle de l'humain glissèrent sur les environs. Lui ne voyait que de vagues formes, et encore, des teintes de noir, d'anthracite, parfois percés par un rayon de lune trop pâle. Trop de contrastes, trop d'obstacles potentiels... Sans craindre les ténèbres, il avait assez de bon sens pour reconnaître que ce n'était pas le terrain de chasse idéal. Enfin, si. Mais pas pour lui.

Comme pour le lui rappeler, la voix du prédateur s'éleva, et le jeune homme tourna son regard pluvieux vers la direction d'où venait la voix en un rappel peu agréable de sa condition de mortel et, actuellement, de proie autant que de chasseur. Il dirigea son arme vers la source du bruit... Non, trop facile, l'autre devait déjà être en mouvement. Il n'aurait pas élevé la voix pour rien, alors qu'il avait l'avantage du silence. Et à moins d'un élan de masochisme, il devait espérer que toute balle tirée finirait dans le mur. Eh bien non, il ne tomberait pas dans ce piège-là.

"C'est l'inconvénient de vos sens sur-développés que de tout entendre."

Souple sur ses appuis, l'humain déplaça son poids légèrement, réfléchissant à toute vitesse. Il ne pouvait pas le laisser approcher ainsi. Techniquement, il avait un couteau de combat, mais le corps à corps n'était pas son domaine, et le prédateur avait l'avantage de la force et de la rapidité. Bien sûr, s'il approchait un peu plus, il pourrait difficilement rater son tir. Le problème restait que le vampire risquait de ne pas le rater non plus. Or, le chasseur avait d'autres projets, n'incluant pas de finir en casse-croute pour danger nocturne. Conclusion, il lui fallait une manoeuvre pas trop bête pour se sortir de là, de préférence en un seul morceau.

La sortie la plus proche et la plus logique étant la porte, le blond fila dans sa direction... pour en fait plonger sur le côté d'un mouvement brusque. Ses muscles protestèrent, appréciant peu la violence du changement de direction, violence malheureuse mais nécessaire pour rendre le mouvement aussi peu prévisible que possible. Le chasseur roula au sol vers là où auraient dû se trouver sinon le dos les flancs de sa cible, prenant à peine le temps de se relever avant de tirer, en espérant que le vampire n'ait pas eu le temps de trop se retourner, et avec une précision... assez lamentable.

Parce que, ne nous faisons pas d'illusions, la pièce n'était pas immense, cultivait les gravats et obstacles et n'était donc pas exactement un terrain très pratique quand on n'était pas doté de vision nocturne. Qui plus est, un projectile heurta son poignet, déviant le tir et le forçant à battre en retraite rapidement. L'espace d'un battement de coeur, il réalisa qu'il fallait qu'il sorte de là avant de se faire épingler. Et qu'il retrouve un mur avant que l'autre n'arrive dans son dos en profitant de l'impunité et du couvert de la pénombre.

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Jeu 2 Aoû - 14:02


La balle frôla Shiro sans le toucher. Il avait lu juste à temps le mouvement de l’humain et ce n’était pas passé loin. Cependant, dans la panique, dans l’exaltation, l’humain avait perdu trop de précision, et ce tir n’avait pas fait mouche. Le prêtre repartait ; Shiro le poursuivit. Maintenant qu’il l’avait repéré, il n’allait plus le lâcher, et le montrait bien, conservant intentionnellement une distance entre lui et sa proie, pour lui donner l’espoir qu’elle pourrait s’échapper. Mais c’était déjà trop tard. Le regard ténébreux du vampire s’était fixé sur l’homme de foi, et il s’appliquait à ne pas le perdre, sur ses talons. Il ne le lâcherait pas. Pas pour le moment. Les gravats et les aspérités du terrain ne parvinrent pas à le déstabiliser, ses pas étaient décidés. La distance entre les deux êtres mincit dangereusement et Shiro bondit en avant. Il parvint à se saisir du col de l’humain, et contrairement à ce qu’il aurait pu faire – le mordre sur le champ – il se contenta de lui attraper le poignet qu’il tira brusquement en arrière pour lui faire lâcher l’arme. Une fois le pistolet à terre, Shiro fit un pas par-dessus et donna un coup de talon dedans. L’arme glissa sur le sol quelques mètres plus loin derrière le vampire, et ce dernier, placé entre l’humain et son équipement, savait parfaitement que le prêtre ne se risquerait pas à un face-à-face. Il lui lâcha le poignet. Le laissa s’échapper.

Maintenant que le chasseur ne pouvait plus lui tirer dessus, le jeu devint forcément plus amusant pour Shiro. Soudainement, il se gonfla d’un orgueil sans pareil qui le poussa à laisser sa proie courir. Prétentieux et vaniteux, il était certain de l’attraper à nouveau pour lui mettre les crocs dessus. Comme le chat s’amusait avec la souris ; il le laissait filer, mais ça, c’était pour mieux l’attraper après. S’arrêtant, le Conseiller revint vers l’arme, qu’il ramassa, avant de l’abattre sur son genou, la brisant. Inutile, à présent. Même si le prêtre revenait sur ses pas, il ne pourrait plus se servir de son artillerie, et Shiro était fier de son coup. Il ne lui restait qu’à humer l’air et tendre l’oreille, et il le trouverait à nouveau, pour jouer avec lui jusqu’à la fin… Vieux de six cents ans, la routine du attraper-mordre-tuer avait lassé Shiro depuis longtemps. Il n’y avait qu’en instaurant des jeux aussi pervers et malsains qu’il parvenait à combler son ennui et rendre le repas plus agréable. Et le pauvre prêtre n’y échapperait pas.

Le sourire aux lèvres, Shiro laissa la carcasse retomber au sol dans un fracas métallique. Il inspira ensuite longuement et profondément. La petite plaie de l’humain facilitait les choses. Le chemin qu’il avait emprunté embaumait le sang. Et Dieu, devait-il avouer, son sang sentait bon – il semblait meilleur que le commun des mortels. Se languissant de ce breuvage divin pour lequel il s’était damné tant de fois, il fit quelques pas dans l’obscurité. Chasseur chassé, chasseur chassant. L’on pouvait se demander qui chassait qui, la réponse était simple ; chacun chassait l’autre. Shiro doutait que le prêtre ait lâchement fui – était-ce digne des chasseurs, de s’échapper la queue entre les jambes alors qu’il avait droit à une proie de choix ? L’humain avait sûrement dû se trouver une autre cachette. Sans en être réellement conscient, ou alors, sans vraiment le faire exprès, il contribuait à l’amusement de Shiro. Une partie de cache-cache, le sang étant la récompense ; que demander de mieux ?

« Vous m’amusez énormément. », Claironna le vampire, la voix forte, pour être sûr que le prêtre l’entende. « Vous méritez une récompense, c’est si rare que l’on trompe mon ennui ; et dans ma grande mansuétude, je vous laisserai la vie sauve une fois que je vous aurai pris un peu de sang. »

Il était réellement sincère. Il lui arrivait de faire preuve d‘un peu de miséricorde lorsqu’il était d’humeur, et il devait avouer que ce chasseur l’avait plutôt bien diverti. Trois balles qui touchaient leur cible, c’était rare, l’humain était doué. Et courageux en plus de ça, c’en était grisant. Même parmi les ombres, le territoire des vampires, il ne se démontait pas…


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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Jeu 2 Aoû - 16:27


Le tir en mouvement, c'était le mal. Vraiment. Mais, bizarrement, les vampires n'avaient pas l'amabilité de rester immobiles pendant qu'on leur tirait dessus, de préférence hors de portée de morsure. Ce fut surtout la partie "hors de portée de morsure" qui traversa l'esprit d'Orléans en percevant indistinctement le bond du prédateur. Alors même qu'il amorçait un mouvement pour esquiver, il su que le geste serait trop lent. Les doigts à la peau de porcelaine se refermèrent sur son col alors qu'il tentait de pivoter pour tirer à nouveau, avant que des crocs dans sa gorge ne compliquent sa tâche. En l'occurrence, ce fut une main autour de son poignet droit qui l'en empêcha, le forçant à lâcher l'arme. Un éclat inquiet traversa ses iris gris. Il y avait une différence entre savoir qu'un vampire avait une force nettement supérieure et le ressentir. Et pendant un instant, alors qu'il cherchait comment se défaire de la poigne du vampire, Orléans la perçut presque douloureusement alors qu'un son métallique et le mouvement du prédateur indiquaient que son revolver venait d'être éloigné.

L'instant d'après il était libre. Enfin, "libre"... Il ne s'attarda pas pour réfléchir aux comparaisons à base d'oiseaux et de chats et fila dans la pièce suivante. Soit le vampire le suivrait et il pourrait aviser pour tenter de récupérer son arme, soit l'autre se montrait contrariant, et il faudrait trouver un autre moyen de riposter. Un craquement métallique ne tarda pas à le renseigner sur ce que faisait le prédateur et le prêtre grimaça. Evidemment. Un chasseur aguerri et ayant décidé de jouer avec sa proie ne lui laisse pas le moyen de l'abattre s'il a le choix.

Il s'avérait que le vampire n'était pas le seul décidé à donner du fil à retordre à sa cible. S'engouffrant dans un couloir, le blond tenta de se souvenir de tout ce qui pourrait être utile dans la situation. Les pans de tôle et autres bouts de métal ne seraient pas efficace, le vampire les déchirerait comme une feuille de carton. Jouer la carte de l'endurance en filant dans les échafaudages était voué à l'échec. Les pots de peinture entreposés dans un coin décrochaient la médaille en matière d'inutilité.

Quoi que. Le jeune homme pila net. Il ne pouvait pas voir dans la pénombre plus que les formes pâles des bidons, mais pour peu qu'il y ait sur l'un d'eux ce petit symbole indiquant des liquides potentiellement inflammables, il aurait une piste pour riposter. Parce que courir toute la nuit pour échapper au grand méchant loup, ça marchait dans les contes, mais bien moins dans la vie réelle, où retarder l'hallali jusqu'à l'aube ne suffisait pas. Et contrairement à ce que semblait penser la voix du prédateur qui s'élevait, Orléans ne comptait pas rendre les armes sur une promesse de rester en vie. Il était chasseur. Son rôle, c'était abattre les vampires, pas les distraire.

En guise de réponse à ce qui sonnait à ses oreilles comme une sorte de défi, il envoya d'un coup de pied un bidon de peinture rouler, le liquide épais couvrant sur quelques mètres et le sol et, peut-être, le ruban de parfums ferreux qui accompagnait ses déplacements. Un second ne tarda pas à le rejoindre et l'occidental fronça le nez, un peu agressé par l'odeur. Peu importait, il avait un second souci, à savoir que le tout n'allait pas prendre feu sans intervention extérieure, ce qui était un peu problématique. Des allumettes, il en avait, mais à l'église, et ce n'était pas franchement le moment de voir si on pouvait remplacer les traditionnels silex par des éclats de béton. Le regard de pluie passa rapidement sur les environs, conscient qu'il fallait trouver vite ou renoncer.

Une prise un peu plus loin attira son attention, et l'humain hésita. S'ils avaient coupé l'électricité pour les travaux ou qu'il se prenait une décharge au lieu d'obtenir des étincelles avec un court-circuit, il aurait l'air fin, tiens... Délogeant quelques fils de derrière leur protection de plastique avec autant de méticulosité que possible, il jeta un coup d'oeil pour voir où en était son prédateur et recula prudemment ses doigts à l'abri sur la partie plastifiée, puis mit en contact les bouts métalliques. L'étincelle jaillit et, alors qu'il lui semblait distinguer une ombre mouvante, il mit en contact étincelles et peinture... laquelle s'avéra inflammable. Ne tenant pas à vérifier combien de temps dureraient les flammes et si elles avaient touché ou même retardé sa cible, le chasseur bondit par la fenêtre, atterrissant sur les échafaudages et s'éloigna au pas de course, regagnant l'étage inférieur où il s'adossa à un mur, à demi dissimulé derrière une paroi encore en cours de construction, tous sens aux aguets, tentant d'habituer à nouveau son regard à la pénombre, après le brusque afflux de lumière et de feu. Accessoirement, il commençait sérieusement à être à court d'inventivité, là, alors si sa cible pouvait avoir eu l'obligeance de brûler...

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Dim 5 Aoû - 10:59


Courir, flairer, poursuivre. Le même schéma semblait se répéter une nouvelle fois, l’arme à feu en moins. Shiro avait cessé de se méfier. Le pouvoir, parfois, lui montait à la tête et il se pensait invincible. Intouchable. L’idée qu’un humain puisse l’éliminer ne lui avait jamais traversé l’esprit. C’était purement et simplement impossible. Impossible. Il retrouva sa trace une nouvelle fois ; la plaie de l’humain suffisait à trahir le chemin qu’il avait emprunté. Sur ses gardes, quoi qu’un peu fébrile, Shiro restait attentif, les sens aux aguets. Fracas métallique. Odeur de peinture. L’humain sembla s’effacer face aux exhalations du liquide qui s’étendait par terre. Shiro mit un pied dedans avant de se reculer, l’air confus. Un coup de l’humain ? Comment est-ce que de la peinture renversée par terre pouvait le ralentir ? Ça n’avait aucun sens. Du moins, ça n’avait aucun sens jusqu’à ce que l’étincelle jaillisse, et qu’en un instant, le feu gagne toute la flaque par terre, de longues flammes s’élevant dans les airs. Le Conseiller bondit en arrière, se plaquant au mur. En dehors d’une blessure au cœur, s’il y avait une chose que les vampires craignaient, c’était bien le feu – et ce, que l’on soit un jeune vampire ou non. Les flammes ne purent venir à bout de son être, il s’était reculé à temps et s’appliquait à fusionner avec le mur de façon à ne pas être touché. La lumière du feu l’éblouissait, et la silhouette du prêtre disparut.

Cela se passa très vite, et une fois que le liquide eut totalement flambé, les flammes s’éteignirent aussitôt ; laissant une place vide qui embaumait le carbone. Shiro fit prudemment quelques pas dans la pièce ; le danger avait disparu. Il rejoignit la fenêtre et se pencha au-dessus du vide. L’humain avait filé il ne savait où. Les odeurs de peinture et de grillé étaient lourdes et abondantes, la blessure de sa proie ne suffisait plus à diffuser un parfum assez fort pour le guider. Malgré tout, il sauta sur l’échafaudage et scruta la nuit. Rien. Aucun mouvement, aucune lumière. Le chantier était désespérément vide. Le feu n’avait pas duré longtemps ; en supposant que l’humain avait filé une fois que les flammes étaient apparues, il ne courait pas assez vite pour disparaître aussi vite. Il était donc logiquement encore sur les lieux. Ca facilitait les choses tout en les compliquant. La proie était moins loin, plus facile à trouver, mais le terrain de chasse n’était pas des plus aidants, bien que l’obscurité ambiante puisse lui donner un petit avantage. Il renifla l’air. L’odeur du feu s’estompait un peu. Plissant les yeux, il jeta un regard circulaire tout autour de lui. L’étage inférieur. L’humain devait se cacher là, Shiro ne voyait pas d’autre alternative ; toutes les autres cachettes qu’il aurait pu trouver étaient trop loin pour qu’il ait pu les atteindre aussi vite. Le vampire se glissa à l’intérieur par une autre fenêtre, esquissant quelques pas félins sur le béton brut.

Il était sûr d’une chose ; sa proie n’était plus armée. Pas d’arme à feu en tout cas, sinon, il l’aurait déjà sortie pour trouer à nouveau Shiro. Il était possible que le prêtre cache sur lui une ou deux armes blanches, mais cela impliquait un combat au corps-à-corps où Shiro était certain de trouver l’avantage. Son futur repas pourrait toujours essayer d’installer une distance entre eux, il ne ferait que fuir, et plus le temps passait, plus ses solutions de riposte s’amenuisaient. Le Conseiller en était presque certain ; le chasseur le chassait de moins en moins. Sans armes, un humain ne valait rien en duel contre un vampire. C’était l’évidence-même. D’ailleurs, le prêtre avait été imprudent dès le début de se mesurer à lui seul. Shiro était vieux et rusé, un combat équitable équivalait à se mettre à plusieurs contre lui. Mais comment cet homme de foi aurait-il pu le deviner face au jeu d’acteur de Shiro ? Il avait eu l’air tellement humain… triste ruse qui l’avait trompé, il se retrouvait à présent dans une bien mauvaise position.

« Ne vous cachez pas ; je vous retrouverai. Allons, ne vous souvenez-vous pas ? Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent… Et vous, vous essayez de me tuer ? Quelle honte, alors que moi, je ne vous veux aucun mal. »

Il regarda à gauche puis à droite, flairant la piste. Il attendait que le prêtre se manifeste, que ses paroles de bons samaritains viennent à bout de la volonté de sa proie et qu’il s’abandonne enfin à lui. Il y avait quelque chose de grisant dans le fait de sentir sa victime consentante, accepter le sort qui lui était réservé. Ne sentir aucune résistance quand il plantait ses crocs dans l’artère, écouter les tendres gémissements des humains qui subissaient une première morsure… Quel délicieux plaisir. Shiro regagna le couloir, il savait que l’humain se cachait derrière un mur, ou à la rigueur, dans un petit trou. Il ne se cacherait pas bien longtemps.

« Montrez-vous… Je vous assure que ce ne sera pas douloureux. »

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Dim 5 Aoû - 17:19


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Un instant, le jeune homme ferma ses yeux de pluie. De toute façon, il lui faudrait un peu de temps avant de retrouver une vision nocturne correcte. Au lieu de ça, il se concentra sur ses autres sens – sur les odeurs de brûlé et de poussière, de béton et de ciment, sur les vrombissements, au loin, de véhicules, de musique diluée dans le bruit de la métropole, sur la paroi lisse sous ses doigts et sur le tiraillement d'un de ses flancs, apparemment décidé à lui laisser un souvenir de son mouvement trop vif de tout à l'heure. Orléans rouvrit les yeux, distinguant un peu mieux les formes plus ou moins sombres du bâtiment, patientant. Les prédateurs comme celui auquel il avait affaire ne ferait aucun son qu'il puisse percevoir – ou le ferait volontairement.

C'était un jeu un peu cruel, mais qui, d'une certaine façon, laissait ses chances au chasseur. Enfin, plus que si sa cible avait décidé de surgir du silence et des ténèbres sans prévenir, parce qu'à ce stade, la chasse était un peu compromise pour le blond. Oh, il pouvait encore tenter une approche à l'arme blanche, bien sûr, si sa cible n'avait pas brûlé. Mais trouver une stratégie ayant un minimum de chances de fonctionner risquait d'être un petit peu compliqué... et d'autant plus compliqué qu'une voix bien connue s'éleva non loin. Sans doute poussé par une capacité à nuire tout à fait remarquable, le vampire avait donc trouvé le moyen non seulement de survivre mais en plus de venir tenter de l'amadouer, le tout à une distance assez réduite pour que le moindre mouvement du chasseur trahisse sa localisation.

C'est en entendant les mots censés le convaincre de se rendre gentiment qu'Orléans leva les yeux au ciel – ou au plafond, pour être tout à fait exact. Oui, il se souvenait très bien de ce genre de maximes, mais également de celle recommandant "ayez le mal en horreur", des incitations à ne se lancer dans aucun compromis avec le mal. C'était un grand mot, "mal", un concept un peu abstrait. Pour le prêtre, c'était le meurtre intentionnel, le sadisme, ce genre de plaies, et Dieu savait qu'il y en avait une part dans certains vampires – pas en tous, mais en certains. De toute façon, l'un des soucis de la chasse était plus pragmatique : c'était une histoire de survie, où l'on traquait ce prédateur comme on avait à une époque traqué les loups. Certains y allaient avec haine, par vengeance, d'autres par devoir. Orléans faisait partie de la seconde catégorie.

"Vous n'avez pas une très haute opinion des chasseurs, pour penser que la douleur nous fasse reculer, je me trompe ? Ou même pour penser que nous abdiquons si facilement, d'ailleurs..."

D'un mouvement souple, l'humain se décolla de sa paroi, soufflant pour écarter une mèche blonde de devant son regard. La souffrance, il connaissait. Les traques les plus éprouvantes étaient jonchées de griffures, bleus, plaies en tous genres, voire à l'occasion des claquages, entorses et autres joyeusetés. Le problème n'était pas là. Le problème était qu'il était impensable d'abandonner ainsi une chasse, de laisser des crocs percer sa peau sans résistance. Or la morsure, de ce qu'il en savait, était une sorte d'abandon forcé, neutralisant toute envie de poursuivre la lutte. Ça avait un côté intolérable, en plus de tous les dangers allant avec.

"Venez donc me chercher, si vous êtes si impatient."

C'est en espérant que ses mots et le son de ses pas sur les gravats avaient dissimulé le chuintement de sa lame sortant de son étui qu'il reporta son regard sur le vampire, particulièrement attentif. Relativement raisonnable, il savait pertinemment que l'être était plus rapide que lui, bien plus rapide. Mais comme il ne pouvait heureusement pas mordre à distance, il faudra bien qu'il se rapproche et là, il aurait un court, très court instant pour frapper. En attendant, la lame demeurait tapie le long de son avant-bras, relativement dissimulée par sa manche, du moins tant qu'il ferait face au prédateur. Sous la chaine d'argent maintenant en place sa croix, le jeune homme pouvait presque sentir son coeur battre avec force encore que régulièrement sous l'effet de l'adrénaline dans l'attente du mouvement du vampire.

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Dim 5 Aoû - 18:23


Shiro était beau-parleur. Il en avait enrôlé, trompé, berné des gens, avec ses mots. Démagogue, la verve acérée et habile, il était fin manipulateur. Si le prêtre avait été un humain ordinaire et non un chasseur, le vampire aurait été certain qu’il serait déjà parvenu à ses fins. Mais les chasseurs étaient plus forts psychologiquement parlant, plus malins, plus à même de comprendre les vampires. Shiro faisait donc face à un mur, avec ses tentatives de convaincre sa proie à s’offrir. Il s’imaginait déjà que tout était perdu de ce côté et qu’il faudrait user de la manière forte quand la voix de l’humain retentit. Un sourire, un rictus, des crocs qui se dévoilent, éclat brillant dans les ténèbres ambiantes. Or donc, l’homme de foi n’abandonnerait pas ainsi la lutte ? Pensait-il qu’une quelconque force divine lui viendrait en aide, que les archanges descendraient sur terre inonder les lieux de lumière pour lui permettre de percer l’obscurité de la nuit ? Shiro, lui, ne croyait pas à tout cela, et certain que rien ni personne ne se manifesterait, ni dieu, ni prophète, il accueillit les paroles de sa proie d’un reniflement hautain et méprisant. Une telle force d’esprit et un tel courage étaient vains. Surtout que me Conseiller lui avait promis la vie sauve – et cela, n’importe quel humain lui en serait reconnaissant. Mais cette promesse de ne jamais lâcher prise n’était rien ; Shiro commença seulement à se méfier quand des mots de défi résonnèrent contre les murs nus et poussiéreux : l’humain l’invitait à le rejoindre.

« Que de vanité, mon père. L’orgueil est péché, et il s’empare de vous lorsque vous me défiez ainsi. »

Fuite, poursuite. La chasseur avait beaucoup couru et s’était énormément caché, même avec son arme. A présent privé de ce qui était le plus à-même de blesser le vampire, il osait cracher de telles paroles ! Shiro esquissa un mince sourire alors qu’il se dirigeait lentement, d’un pas silencieux, vers la source de la voix qui était parvenue jusqu’à ses oreilles. Un piège ? Le Conseiller se demandait bien ce qu’on pouvait encore lui réserver, après les flammes et les balles. De l’ail ? De l’argent ? Le vampire glissa dans les ombres, longeant doucement le mur. Il put bientôt le sentir à nouveau, entendre presque les battements de son cœur qui cognait fort dans sa cage thoracique. Il était presque certain que le chasseur cachait encore un atout dans sa manche, ce qui expliquerait ce soudain regain de confiance, ce ton de défi et cette prétention qui le poussait à croire qu’il avait ses chances. Shiro s’octroya quelques secondes de réflexion, et le silence se fit à nouveau entre les murs des ruines. Il pouvait entendre l’autre respirer, tandis qu’au loin les bruits déchirants de la ville parvenaient avec peine à percer les murs pour venir jusqu’à eux. Le Conseiller huma l’air ; dans quelques heures, le soleil se lèverait. Il était temps d’agir.

Sans gratifier l’humain de la moindre réponse supplémentaire, il continua à se déplacer sans bruit. Il avait l’avantage de la force et de la rapidité, et sa vision lui permettait une meilleure précision pour frapper. En supposant que le prêtre puisse cacher une autre arme, Shiro pouvait se permettre une autre blessure. En laissant le chasseur porter le coup, il aurait une ouverture pour l’immobiliser et il pourrait aussitôt se nourrir. La fatigue causée par les guérisons et la soif seraient alors estompé, et il pourrait abandonner l’humain, s’en retourner chez lui et vaquer à ses occupations. Laisser croire à la victime qu’elle avait une chance, même infime. C’était le plan. Le Conseiller n’aurait qu’à s’assurer qu’on ne le toucherait pas au cœur et le plan pouvait marcher. Malgré la faim qui le secouait, il avait encore assez d’esprit pour jouer la comédie. L’odeur de sang qui lui parvenait lui brûlait doucement la gorge, et il se languissait de pouvoir y goûter. Encore un pas. Il apparut dans le champ de vision de l’humain, et laissa intentionnellement quelques secondes s’écouler, que le prêtre ait le temps de le voir et d’envoyer l’information à son cerveau pour agir. Puis il bondit.

Il se jeta sur le mortel avec assez de fougue pour le surprendre, le plaquant contre un mur d’une main ferme. Shiro plaça un bras contre son torse, côté cœur – si on lui portait un coup, il doutait qu’on atteigne le précieux organe – son autre main s’appuyant avec force sur l’épaule de l’humain. Puis, tout allait devoir se passer très vite. L’humain, le vampire, des crocs, une possible arme… Quelques secondes supplémentaires, déjà, venaient de s’égrener, alors que le bruit sourd du corps de l’humain contre le mur avait fait voler de la poussière. Shiro poussa un grondement et dévoila ses crocs, lâchant l’épaule pour se saisir de la chevelure blonde qu’il tira pour l’obliger à dévoiler sa gorge. Alors qu’il se penchait sur ce morceau de peau nue pour y planter ses dents, il sut qu’en laissant à l’humain une liberté de mouvement aussi importante – il avait ses deux bras, c’était déjà pas mal – il se mettait dans une position délicate. Mais trop de temps venait déjà de s’écouler, assez, en tout cas, pour laisser à un humain le temps et la présence de réagir…


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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Dim 5 Aoû - 20:22


Ce n'était pas impossible qu'il y ait une pointe d'orgueil, ou à défaut de fierté, chez le chasseur : fierté de combattre pour ses pairs qui ignoraient tout des prédateurs nocturnes, fierté d'être capable de faire face à des êtres si dangereux... trop de fierté pour courber ainsi l'échine en somme. Si c'était un péché, c'était également un atout que de puiser là-dedans une certaine résilience, une capacité à se relever quand la majeure partie de l'humanité aurait cédé, à ne pas se laisser flouer par des mots enjôleurs ou accabler par des menaces. Pourtant, orgueil du chasseur ou pas, Orléans avait conscience du fait que son entreprise actuelle était un peu... boiteuse - voire foireuse. Mais il ne serait pas dit qu'il baisserait les bras sans avoir tenté. C'était presque plus une question d'honneur que de fierté, à ce stade – et oui, il y avait une différence, fut-elle minime.

Il ne se donna pas la peine de développer cela à l'attention de son prédateur, de ce même prédateur qui, par orgueil justement, l'avait laissé courir après l'avoir désarmé, comme on relâche une proie incapable de riposter. Et le chasseur censé être désarmé avait contre-attaqué. Certes, la riposte n'avait de toute évidence pas eu l'effet escompté, mais cette pointe d'orgueil aurait pu coûter cher au prédateur. Ou peut-être était-ce par ennui qu'il l'avait laissé repartir pour un round de poursuites ? Les nuits devaient paraitre longues et monotones, après quelques centaines d'années, et un chasseur faisait une distraction, une exception dans une longue lignée de mortels sans méfiance.

Le prêtre n'eut pas le temps de trop s’appesantir sur la question, le vampire apparaissant dans son champ de vision. Il eut tout juste le temps de remarquer qu'il était à la fois plus sombre et plus pâle que les gris fades des environs, et qu'il était surprenant qu'il le voie - surprenant mais pratique. Pour savoir comment le vampire avait franchi la courte distance les séparant, en revanche, il n'aurait pu faire que des hypothèses. Un instant la forme presque spectrale se dévoilait, comme pour lui laisser le temps de saisir que l'hallali approchait ; le suivant, le dos de l'humain heurtait un mur sans réelle douceur. Il se serait téléporté qu'il n'aurait pas vu la différence. Le choc lui coupa le souffle et il remercia ses réflexes qui s'enclenchèrent immédiatement. Si clairement rentrer le cou dans les épaules et poser l'un de ses bras sur le torse qui s'approchait pour le repousser n'eut aucun effet, sa réaction ne se limita heureusement pas à cela. Son poignet pivota pour permettre à la lame de s'enfoncer et il asséna le coup de toutes ses forces, priant pour que la lame ne rencontre pas une côte.

Tout combat rapproché est rapide et confus, et plus encore quand l'on fait face à un être aussi rapide qu'un vampire. En l'occurrence, comme dans tout corps à corps, les sensations se superposèrent : l'éclat dangereux dans le regard qui croisa le sien, proche, trop proche, la sensation de la lame qui plonge, ravage, le béton dans son dos et la poigne de fer sur son épaule, l'emprisonnant, le battement de coeur raté lorsque le vampire refusa de retourner à la poussière sagement, le grondement sourd, la fraicheur de la main qu'il n'évita pas à temps... Les doigts se refermèrent sur sa chevelure, courbèrent son corps en un arc encore vibrant d'un grondement de protestation, annihilant de force toute tentative de rébellion. Gorge offerte bien malgré lui, le jeune homme sentit un frisson courir sur sa peau alors que les crocs effleuraient sa peau, prêts à apposer leur marque là où nul n'avait osé le faire.
Game over.

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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Dim 5 Aoû - 21:14


La lame glacée transperça son flanc alors que Shiro serra les dents, encaissant le coup dans un bref grognement. Il sentait clairement la dague profondément enfoncée dans sa chair, vive douleur qui lui élança le côté du droit du corps quelques secondes avant de s’estomper rapidement, la brûlure de sa chair se limitant à la plaie toute fraîche. Le Conseiller fit de son mieux pour ne pas se fixer sur ça ; il était temps d’agir. Une fois le coup donné, l’humain n’avait plus que sa force pure pour réagir, ce qui n’était largement pas suffisant pour faire face à la riposte du vampire. Gorge découverte, peau nue, plaie dégoulinante, sang qui coule, grondement, éclat de crocs à la lumière de la lune. Ce fut rapide, et les canines transpercèrent la chair de la gorge pâle, venant voler le sang jalousement conservé dans l’artère. Chasse terminée, récompense méritée. Les humains ne luttaient généralement plus une fois en proie à la morsure du prédateur. Shiro avala de longues gorgées du nectar pour lequel il s’était ainsi battu, que le chasseur avait tenté de protéger, vainement, visiblement. Le sang coula lentement dans sa gorge, étanchant la soif du monstre, calmant ces brûlures infâmes qui tapissaient l’intérieur de son être. Soulagement, joie. Il n’y avait rien de meilleur, lui semblait-il, tandis qu’il gardait ses crocs plantés dans la gorge anciennement vierge du moindre passage d’un vampire.

Sa main droite descendit le long de son flanc, et le Conseiller arracha la lame qui lui lancinait la chair, avant de la jeter plus loin, dans un geste un peu brouillon, concentré plutôt à voler le sang de sa proie. Sous l’effet du sang directement avalé, la plaie se referma presque instantanément, ne laissant qu’un trou dans les vêtements du prédateur, sa peau de porcelaine aussi blanche et lisse qu’elle semblait l’avoir toujours été. Faiblement éclairés par la lumière de la lune au milieu de ruines et de la poussière, l’humain ne serait jamais entendu par le moindre vivant, tous retranchés dans leurs maisons, dans leurs appartements, dans la chaleur rassurantes de leur foyer. Comme le prêtre devait avoir froid, son sang le quittant peu à peu au beau milieu de cette nuit glaciale. Au contraire, le corps du vampire, lui se réchauffait, chaleur volée à l’humain, égoïstement sienne à présent. Les doigts solidement ancrés dans la chevelure dorée de l’humain, Shiro descendit la main sur la nuque encore chaude de la pauvre victime, marquant cruellement sa domination sur lui de par cette morsure décidée. Ces secondes étaient à la fois longues et tellement courtes ; trop courtes pour le prédateur, qui ne se lassera jamais du goût du sang, et longue pour cet humain qui se faisait aspirer sans pitié des longues gorgées de sang. Cependant, Shiro lui avait promis la vie sauve, et il tint promesse. Un peu à contrecœur, il retira lentement ses crocs, léchant la peau et les dernières gouttes du précieux nectar.

Il tint fermement l’humain par les épaules pour l’empêcher de s’écrouler. Trop peu de sang volé pour mourir, mais assez pour l’affaiblir, considérablement anémié. Pour une première morsure, qui plus est, le prêtre ne devait pas avoir l’habitude de perdre autant de sang aussi vite. Le Conseiller était bon joueur, il savait que le prêtre survivrait. Il lui arrivait parfois de laisser sa victime en vie après la morsure en sachant qu’il restait trop peu de sang pour qu’elle survive plus de quelques heures. Le supplice était alors pire, et lui, cruel, il s’en amusait… Aujourd’hui, le chasseur vivrait, mais selon les jours et l’humeur de Shiro, il faisait preuve de bien moins de clémence. Rassasié, le vampire savait qu’il avait absorbé assez de sang jusqu’à la prochaine nuit, voire celle d’encore après. Il savait que ce ne serait que pure gourmandise de goûter encore au sang du prêtre, et pourtant, il en avait tellement envie… il se brida, se força à l’asseoir par terre car il doutait que l’humain puisse tenir debout. Ses mains furetèrent sur le corps de sa proie, ses hanches, il ne trouva aucune autre arme. Il ne le craignait plus du tout maintenant qu’il était dans cet état, mais il était toujours amusant de voler les armes des chasseurs ; ça laissait un petit temps de répit aux vampires chassés, le temps que les traqueurs se trouvent d’autres lames ou autres fusils.

« Vous voyez, ce n’était pas si douloureux. »

Il se pencha de nouveau sur la gorge de l’humain. Ses crocs avaient laissé une marque visible et nettement reconnaissable, deux trous au niveau de l’artère ; la marque des vampires. Sa langue chaude vint une nouvelle fois souligner cette plaie particulière, se délectant du goût métallique et salé qu’elle embaumait encore. Dans à peine deux jours, elle aurait disparue, et personne ne pourrait se douter que le prêtre avait été mordu par une créature du diable.

« Si vous veniez à en avoir encore envie, appelez-moi, je vous entendrai. », Murmura-t-il à l’oreille de l’humain. « Le Diable viendra me chuchoter les désirs vicieux qui vous traversent. »

Et dans la pénombre, sa voix de velours aux accents malsains semblait réellement être la voix du diable lui-même.


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MessageSujet: Re: Memento mori [Terminé]   Memento mori [Terminé] Icon_minitime1Lun 6 Aoû - 10:21


Les crocs percèrent sa peau vivement, en une brève douleur. Un instant, un instinct presque animal s'affola au fond de la conscience du jeune homme. C'était fragile, une gorge : deux artères, la trachée et la colonne à portée, si facile à rompre avec une force comme celle qui le maintenait en place. Or il y avait des crocs plantés dedans, des crocs de prédateur, donnant pouvoir de vie et de mort sur le chasseur à leur possesseur. Ses muscles roulèrent, amorcèrent un mouvement vain pour se libérer...

Puis la morsure fit effet, redoutable mécanisme s'il en était. La nature – si tant est qu'un vampire puisse être considéré comme naturel – était trop bien faite, parfois. Ce ne fut au début que l'estompement des douleurs, flancs et dos un peu malmenés se faisant oublier. Puis le bien-être, vint presque sournoisement, décrispa les muscles tendus par la chasse, dénoua des points de tension dont l'humain n'avait pas eu vraiment conscience jusque là. Oh, il avait toujours conscience des crocs dans sa gorge, de l'être s'abreuvant à une artère, de la vie et de l'énergie qui fuyaient avec le liquide carmin. Une part de lui parvint même à se souvenir du fait qu'il était censé lutter, au moment où l'une des mains du vampire ôtait son arme du flanc où elle était plantée. Un tintement métallique plus tard, elle était hors de portée pour le chasseur, dont les iris gris rivés sur le ciel nocturne cillèrent un instant, saisissant qu'il y avait danger sans que son corps daigne réagir autrement que par un léger vertige dont le blond n'aurait su dire s'il était dû à l'euphorie ou à la perte de sang.

Ce fut presque une surprise de sentir les crocs se retirer de sa chair, mettant fin à cet état presque onirique. Un vif frisson salua l'intervention de la langue passant le long de sa gorge, et Orléans amorça un geste pour se dégager. Ledit mouvement lui apprit deux points intéressant : primo, le vampire le maintenait toujours en place et secundo, c'était surement ce qui lui évitait de plus ou moins s'écrouler, étant donné que son corps avait du mal à gérer la perte de sang et appréciait peu toute tentative d'agitation. S'asseoir – enfin, se laisser asseoir, en l'occurrence, même si la formulation aurait fait grincer des dents le chasseur – paraissait donc une idée tout à fait raisonnable. Le béton sous ses paumes était un peu rugueux, comme pour l'inciter à reprendre pied avec la réalité, et l'humain se permit une inspiration profonde, l'afflux d'air aux odeurs de poussière et de sang semblant lui confirmer qu'il était encore en vie. Accessoirement, cela lui donna l'énergie d'asséner une légère tape sur les mains qui couraient le long de son corps à la recherche d'une éventuelle arme, plus par principe que parce qu'il s'attendait à ce que cela décourage vraiment le vampire.

"Ce n'est en effet pas douloureux mais le retour à la réalité n'est pas des plus agréables."

Qui plus est, ça ne faisait pas très sérieux, pour un chasseur, de se balader avec deux jolies traces de crocs dans la gorge – traces que son vis-à-vis souligna de la pointe de la langue. Le jeune homme glissa sa main sur les plaies, sur ces deux creux qui ressortaient étrangement sous ses doigts, sur sa peau lisse alors que les mots murmurés lui parvenaient. Le calme induit par la morsure se déchira un instant, lorsqu'Orléans se demanda s'il ressentirait ce manque, cet appel, si l'autre avait prélevé assez de sang pour en faire un calice. Mais on ne transforme pas en calice quelqu'un qui tente de vous abattre, n'est-ce pas ? Et il saurait puiser dans la foi la force de résister à toute tentation, à l'appel que le démon distillait – parce que si démon il y avait, ce prédateur en était un, pour cacher ses crocs et ses jeux cruels derrière un masque humain, oh trop humain.

"Le Diable risque de s'ennuyer ferme à attendre ce genre d'appel. Ni ses paroles enjôleuses ni les vôtres n'auront de prise sur moi tant que je marche en Sa lumière" assura-t-il en rivant ses iris de pluie dans ceux d'obsidienne.

La majuscule divine sembla rouler dans l'air, pointe de majesté dans le ton calme, déterminé de l'humain. Douter ne faisait pas partie de ses habitudes. Il avait la foi, une foi suffisante pour le protéger de la tentation, même aux heures les plus sombres de la nuit. Sur ce, rassemblant ses jambes sous lui, il entreprit de se redresser, au prix de tâches lumineuses dansant devant ses yeux. Finalement, peut-être qu'une transfusion pourrait être utile, dû-t-il reconnaitre alors qu'il contournait le vampire. Il verrait ça une fois de retour chez lui, en sécurité...

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Memento mori [Terminé]

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